Entretiens entre science, philosophie et société
Dans le nouveau podcast « Ça coule de source », Anne Laure Gannac, journaliste au CDH, explore des sujets variés avec des intervenants de la série de rencontres LUNCHenPHILO.
« Il s’agit de revenir à la source (d’où le titre), » dit Anne Laure Gannac. « Le podcast se veut à la fois un prolongement et un condensé de nos rencontres LUNCHenPHILO. C’est comme un écho pérenne et disponible sur toutes les plateformes audios, qui permet aux personnes n’ayant pas pu y assister de comprendre l’essentiel du sujet abordé, et à celles qui ont été dans le public d’en retenir l’essentiel. »
Jusqu'à présent, trois épisodes ont été publiés, abordant les thèmes de la religion et de la science, de la pensée critique à l'ère de l'IA et de la méfiance à l'égard de la science.
« Les intervenant.e.s sont choisi.e.s avec minutie, tant pour leur expertise que leur capacité de vulgarisation, » dit Anne Laure Gannac. « Il faut que tout le monde puisse y trouver de quoi alimenter sa réflexion, et ouvrir son horizon de pensée. C’est pour cela aussi que je tiens à croiser les disciplines : scientifiques, philosophes, historien.ne.s ou artistes se retrouvent autour de la table pour les rencontres LUNCHenPHILO comme pour le podcast. Pour nous, au CDH, l’interdisciplinarité coule de source. »
- Épisode 1 : De la méfiance généralisée à la défiance exigeante : comment faire des sciences aujourd’hui ?avec Gabriel Dorthe, docteur en philosophie et assistant principal à l'ETH Zurich, qui s'intéresse à la polarisation de la confiance et de la méfiance à l'égard de la science.
« Il existe aujourd’hui une tendance à l’idéalisation de la science, qui suppose la recherche scientifique libre d’intérêt, d’émotion et de valeur et dédiée à la révélation de faits indiscutables. Or, cet idéal n’a rien à voir avec le fonctionnement réel de la recherche scientifique et crée l’une des sources de la polarisation dans les débats publics. » Gabriel Dorthe explique qu’il s’agit d’un phénomène identitaire : pour s’imposer comme quelqu’un qui a quelque chose d’important à dire, il faut parfois se mettre en opposition contre ce que l’on considère comme l’adversaire. « Cette polarisation a des raisons d’exister, elle structure le débat public. On essaie alors de trouver des manières de la faire déborder, de la faire tourner à vide, tout en reconnaissant sa nécessité d'être. Il ne s’agit pas seulement de restaurer la confiance, mais aussi de se désintoxiquer de cette culture de la polarité. »
- Épisode 2 :L’atome : une histoire entre science et religionavec Adrien Miqueu, physicien diplômé de l'EPFL et doctorant en histoire des sciences et des religions à l'UNIL. L'épisode plonge dans l'histoire des sciences à Genève, avec des questions sur la matière, l'esprit, le destin et la liberté des particules.
« L’atome pose la question de la matière et de l’esprit. N’y a-t-il que de la matière dans le monde ou existe-t-il une âme ou d’autres choses transcendantes ? Ces questions vont évidemment provoquer des remous auprès des philosophes et des théologiens, en particulier dans le christianisme. » Adrien Miqueu rapporte également qu’il y a des affinités entre le bouddhisme et la physique quantique qui ont fait qu’un certain nombre de savants se sont tournés vers ces spiritualités-là et ont essayé de faire concorder physique quantique et spiritualité orientale.
- Episode 3: Quelle place pour l’esprit critique à l’ère de l’IA ?Sabine Süsstrunk, présidente du Conseil suisse de la science et de l'innovation et directrice du laboratoire Image et représentation visuelle de l'EPFL, et Mark Hunyadi, professeur de philosophie à l'Université catholique de Louvain en Belgique.
« L’IA n’est pas une menace pour l’esprit critique si l’on dispose d’une bonne capacité de discernement. » En tant qu’ingénieure, Sabine Süsstrunk remarque qu’il n’y a pas de système générant des réponses à 100% correctes. « Il faut donc prendre en compte que les IA génèrent des réponses « probables » et que l’humain se doit de les vérifier et donc de disposer de son propre esprit critique. Le danger serait donc là où l’humain accorderait une confiance totale, sans analyse personnelle des réponses mais aussi des éventuelles conséquences éthiques de l’utilisation d’outils liés à l’IA. » Le professeur de philosophie Mark Hunyadi estime, quant à lui, que "l'esprit humain est menacé dans ses capacités par l'IA et que, à l'instar des fonds marins déclarés patrimoine commun de l'humanité et protégés en tant que tels, l'esprit humain doit être au coeur d'une Charte de protection" afin d'en garantir la liberté et l'intégrité dans le cadre d'une collaboration qui sera inévitablement toujours plus étroite avec le numérique.
Les prochains épisodes, et les prochaines éditions des LUNCHenPHILO, continueront à se concentrer sur l'IA, en examinant à quel point il est difficile pour la société de se préparer réellement à la transition vers un monde régi par l'IA, et pourquoi l'histoire est une discipline cruciale pour avancer dans un avenir dominé par l'IA. Outre l'IA, Anne Laure Gannac interrogera des experts sur les clés du succès populaire d'un scientifique, en s'appuyant sur le cas de Darwin, et sur l'utilité de l'improvisation artistique dans le travail des chercheurs. Un atelier sera également organisé sur ces deux derniers thèmes.
Qu'est-ce qu'Anne Laure Gannac espère que son public retiendra de cette variété d'interviews et d'activités ?
« Le plus possible ! »