«Entendre» la forme d'une pièce d'un claquement de doigts

Essai de modélisation acoustique de la Cathédrale de Lausanne (photomontage).

Essai de modélisation acoustique de la Cathédrale de Lausanne (photomontage).

Il est possible de mesurer les dimensions et la forme d’une pièce au moyen de quelques micros et d’un claquement de doigts. Un algorithme développé à la Faculté informatique et communication de l’EPFL ouvre la voie à de nombreuses applications.

Certains malvoyants ont développé une capacité extraordinaire : celle de percevoir les contours de la pièce où ils se trouvent en se basant uniquement sur des informations auditives. Les chauves-souris et les dauphins procèdent de même pour se repérer dans leur environnement.

A l’EPFL, une équipe du laboratoire de communication audiovisuelle (LCAV), dirigé par Martin Vetterli, a mis au point un algorithme informatique permettant de faire le même travail à partir d’un son perçu par quatre micros. Leur expérience est publiée cette semaine dans le magazine PNAS. «Dans une pièce simple et convexe, notre logiciel est capable d’établir un plan 3D avec une précision de quelques millimètres», explique Ivan Dokmanić, doctorant.

Micros placés au hasard
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la disposition des micros n’a pas besoin d’être savamment calculée. «Chaque micro écoute le son qu’il reçoit en direct ainsi que les échos que renvoient les différentes parois, poursuit le chercheur. L’algorithme compare alors les signaux issus de chaque micro. D’infimes décalages lui permettent de calculer non seulement la distance des micros entre eux, mais aussi l’éloignement de chacun d’eux par rapport aux parois et à la source du son.»
Cette capacité à «trier» les différents échos perçus par les micros est en soi une première. L’analyse du signal de chaque écho en recourant aux «matrices de distances euclidiennes» permet au système de déterminer s’il est issu d’un premier ou d’un second rebond et de repérer la «signature» propre à chaque mur.
A l’EPFL, les chercheurs ont éprouvé cet algorithme en travaillant avec une impulsion sonore «propre», dans une pièce vide où ils faisaient bouger une paroi mobile. Les résultats obtenus leur ont permis de confirmer la pertinence de leur approche. Une seconde expérience menée dans un environnement largement plus complexe – une alcôve de la Cathédrale de Lausanne – a donné de bons résultats partiels. De nouveaux développements, utilisant notamment davantage de micros, porteront donc certainement leurs fruits.

Localisation mobile dans les bâtiments
Leurs premières conclusions offrent déjà d’intéressantes perspectives. «Des architectes pourraient s’en servir pour concevoir des pièces – par exemple des auditoires ou des salles de concert – en fonction de l’acoustique qu’ils aimeraient y créer», reprend Ivan Dokmanić.

Des applications dans le domaine des sciences forensiques sont aussi envisageables : sur la base de plusieurs enregistrements d’une même scène, l’analyse des flux audio peut donner des informations même sur ce qui ne se voit pas. Dans le même ordre d’idée, analyser l’appel téléphonique d’une personne se déplaçant dans une pièce pourrait permettre à des enquêteurs d’identifier des locaux.

Enfin, il serait possible d’implémenter cet algorithme dans des appareils mobiles et de s’en servir pour déduire des informations de localisation à l’intérieur des bâtiments – là où les signaux GPS ne passent pas de façon satisfaisante. «Les applications possibles sont déjà nombreuses et les perspectives d’amélioration en laissent entrevoir d’autres. Ce n’est qu’un début!» conclut le chercheur.



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© LCAV / EPFL
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