«Enseigner me rend heureux»

En treize ans, c'est la troisième fois que Jean-François Molinari est nommé meilleur enseignant. © 2020 EPFL

En treize ans, c'est la troisième fois que Jean-François Molinari est nommé meilleur enseignant. © 2020 EPFL

Professeur en génie civil, Jean-François Molinari a reçu le prix du meilleur enseignement de sa section.

Enthousiaste. Le mot est faible pour décrire Jean-François Molinari. Expansif dans le verbe et le geste, sans surprise, il a fait du théâtre dans sa jeunesse. «Cela ne me dérange pas d’être sur scène ni même de me ridiculiser si je fais une bêtise», sourit-il. Loin d’être ridicule en amphi, il est nommé meilleur enseignant de la section de génie civil pour l’année académique 2019-20. «Présenter, mettre de l’énergie, est naturel pour moi. Enseigner est l’art de communiquer une passion, et cela me rend heureux. Je pense que les étudiants le ressentent et qu’ils aiment venir à mon cours pour cette raison», analyse-t-il.

Les étudiantes et étudiants le plébiscitent également pour sa méthode : «Le bon vieux tableau noir et la craie, je suis un professeur ‘classique’». Vraiment, à l’heure de toutes les technologies existantes ? «Oui. Je prends le temps d’expliquer, d’écrire, ce qui ralentit juste assez le cours pour que les étudiants puissent suivre et poser des questions. Je veux maintenir cette interactivité. A la fin, j’ai de la craie sur les mains, j’ai parcouru la salle et les tableaux de long en large. C’est plus actif que de cliquer sur un bouton pour activer la slide suivante du PowerPoint », remarque l’enseignant à grand renfort de gestes. La période d’enseignement à distance au printemps 2020 fut laborieuse : «Je donnais mes cours en direct et les étudiants y venaient nombreux, ce qui est bien. Mais Zoom est vite fatigant. J’espère sincèrement que l’après-Covid sera focalisé sur le contact humain, ce par quoi l’enseignement passe depuis des millénaires.» La plateforme Zoom a cependant cassé une barrière : les étudiants qui n’osaient pas poser de questions le faisaient plus volontiers, même le week-end.

Impossible n’est pas Molinari

La mécanique des milieux continus est une matière réputée difficile ? Qu’importe. Depuis toujours Jean-François Molinari est intimement convaincu que tout le monde peut tout apprendre. «J’essaye de prendre le temps et d’expliquer les détails des étapes difficiles. Maintenir ce lien avec les étudiants est important pour les intéresser à des cours réputés compliqués, parfois de manière injustifiée», expose ce mentor dans l’âme.

J’aime aider les gens à se développer, les mettre en confiance. C’est déterminant pour leur permettre d’étoffer leur maturité scientifique

Jean-François Molinari, professeur en génie civil

Jean-François Molinari adore la diversité de son métier, y compris l’aspect mentoring envers son équipe de recherche et ses doctorants pour les amener à articuler leurs pensées. «J’aime aider les gens à se développer, les mettre en confiance. C’est déterminant pour leur permettre d’étoffer leur maturité scientifique. J’ai souvent vu cet état d’esprit positif chez les Américains, c’est dans leur culture. Moins en Suisse, car on a encore un peu peur de l’échec. Pourtant, les conditions à l’EPFL sont exceptionnelles, les collègues et étudiants fantastiques, et le personnel offre un service de très haut niveau. Je suis fier de travailler ici», s’enthousiasme-t-il.

L’ingénieur est hyperactif en-dehors de l’enseignement pur. «J’ai été directeur de l’Institut d’ingénierie civile, je suis membre du Conseil national de la recherche au Fonds national suisse, et je suis très actif dans l’organisation et l’animation de mon domaine de recherche», énumère-t-il. Et la recherche fondamentale ? «Je travaille dans la mécanique des matériaux et structures, avec de nombreux apports en mécanique de la rupture pour prévenir et comprendre l’endommagement des matériaux, ainsi qu’en tribologie, la science qui s’intéresse au frottement et à l’usure, explique-t-il. Grâce à la simulation et à la pensée computationnelle, nous avons fait de grandes avancées qui nous permettent aujourd’hui d’imaginer des innovations et des brevets.»

Jean-François Molinari et son équipe développent aussi des logiciels open source : «Nous donnons tout ce que nous créons à la communauté, pour réaliser un hub où les gens échangent des méthodes et des idées. C’est un peu la continuité de l’enseignement.»

Où puise-t-il cette énergie débordante ? «J’ai une vie très équilibrée. Je suis bien inséré dans ma communauté, je passe du temps avec ma famille et je fais beaucoup de sport. J’ai besoin de tout cela». Le sport s’invite même au bureau : «J’incite les gens de mon laboratoire à en pratiquer, j’ai acheté le premier bureau de marche de l’EPFL pour travailler sur le tapis !»

Des prix de grande valeur

«Je suis fier et enthousiaste de recevoir le prix de meilleur enseignant de ma section. Avoir un retour sur son travail est très important, d’autant qu’il y a peu de prix pour les enseignants en Suisse. Créer le prix de section et le prix de thèse doctorale était une démarche très positive de l’EPFL. Cela ne coûte pas grand-chose de récompenser les personnes qui s’impliquent, et cela fait une énorme différence pour elles.»

Nommé trois fois meilleur enseignant en treize ans, Jean-François Molinari n’a pourtant jamais obtenu le Credit Suisse Award. Peut-être que la quatrième sera la bonne et qu’il l’aura à l’usure ? «Cela tombe bien, la moitié de ma recherche porte sur l’usure», s’esclaffe-t-il avec philosophie.