Embouteillages d'électrons dans les microchips de demain

© 2012 EPFL

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Au sein de certaines matières, les électrons peuvent s’agglutiner comme des voitures sur une autoroute. Le phénomène a été mis en lumière par des chercheurs de l’EPFL, qui étudient des matériaux aux propriétés prometteuses pour l’électronique de demain.

On ne compte plus les recherches menées au sujet des nouveaux matériaux très prometteurs pour le monde de l’électronique, tels que le graphène ou la molybdénite. Leur structure bi-dimensionelle, c’est-à-dire se composant d’une seule couche d’atomes, ouvre la voie à une miniaturisation des puces de plus en plus poussée, aux écrans souples, ainsi qu’à une plus grande efficacité des systèmes informatiques. Mais quid des conditions de conduction électrique de ces nouveaux matériaux? Sont-elles aussi fiables que dans le traditionnel silicium?

Des chercheurs du Laboratoire pour la microscopie et la diffusion d’électrons (LUMES) de l’EPFL ont mis en lumière certaines situations où le transport électrique peut être perturbé. Les résultats de leur étude sont récemment parus dans la revue PNAS.

Les scientifiques se sont penchés sur un matériau dont la structure particulière fait que les électrons se déplacent sur une seule ligne d’atomes. Ils ont observé que ces électrons pouvaient parfois s’agglutiner, à l’image d’un ralentissement engendré par une surcharge de trafic sur l’autoroute. Un «bouchon» qui se forme en l’espace de quelques femtosecondes (10 -15 s). La matière passe de l’état de conducteur à celui d’isolant.

Ce phénomène, qui peut également se produire dans des matériaux bi-dimensionnels, provient par exemple de vibrations entre deux atomes. Il est parfois également dû à la présence de déformations ou d’impuretés: atomes de fer, d’or ou d’autres métaux. Bien qu’en très petite quantité, ces éléments peuvent modifier, à leur proximité, les propriétés du matériau-hôte.

Désavantage ou atout?

«Il y a tant de recherches et d’espoirs mis dans ces matériaux à dimensions réduites qu’il est d’autant plus important de bien connaître leurs comportements et d’identifier les phénomènes microscopiques qui y prennent place», relève Fabrizio Carbone, l’un des auteurs de l’étude. Son travail a pour but de comprendre comment se forment ces bouchons, dans le but de trouver des moyens de les éviter, ou au contraire les déclencher. «Ces perturbations peuvent être vues comme un disfonctionnement ou comme un atout suivant l’application recherchée», explique le scientifique.

Si l’on souhaite valoriser la propriété de ce matériau à passer du statut de conducteur à celui d’isolant, on va chercher à provoquer ou à contrôler la vibration qui en est la cause. Ceci peut être fait par un laser dont on aura déterminé la bonne longueur d’onde ou par l’intervention d’un champ électrique. Si l’on veut avant tout un matériau avec une bonne conductivité, on va le manufacturer de manière à éliminer la source de cette vibration, en enlevant les impuretés ou transformant la structure de la cellule élémentaire où les atomes s’organisent.

Article: “Evidence for a Peierls phase-transition in a three-dimensional multiple charge-density waves solid”, revue PNAS, avril 2012.