Du nouveau sur le mécanisme des enzymes de traitement de l'hydrogène

L’hydrogénase et une pile à combustible © Xile Hu (EPFL)/Thinkstock

L’hydrogénase et une pile à combustible © Xile Hu (EPFL)/Thinkstock

Des chercheurs de l’EPFL ont déchiffré les rouages d’une enzyme hydrogénase utilisable pour transformer de l’hydrogène. Leur étude pourrait améliorer l’avenir des énergies à hydrogène, p.ex. les piles à combustible et usines d’hydrogénation.

Alors que le monde se tourne petit à petit vers les sources d’énergie renouvelable, le stockage énergétique devient un réel défi. L’une des solutions envisagées consiste à constituer des stocks sous forme d’hydrogène. Dans ce but, les chercheurs conçoivent des systèmes imitant les enzymes dites hydrogénases, qui transforment l’hydrogène à travers leur métabolisme énergétique. Toutefois, le déroulement de l’hydrogénase restait jusqu’ici méconnu. Or, des chercheurs de l’EPFL et de l’institut Max Plank ont réussi à déterminer quelles étaient les étapes cruciales de cette réaction en ayant recours à des molécules synthétiques. Leur étude, susceptible d’améliorer grandement la prise en charge de l’hydrogène, est publiée dans Nature Chemistry.

Les hydrogénases, qui font partie des plus anciennes enzymes terrestres, produisent du combustible à hydrogène pour toutes sortes de bactéries. Il en existe plusieurs familles, chacune ayant recours à différents ions métalliques pour se lier et catalyser leurs réactions de transformation de l’hydrogène de façon réversible. La réaction en avant commence par le clivage de l’hydrogène en un proton et un ion hybride (H-), suivi par l’oxydation des hybrides dans les piles à combustible, ou l’hydrogénation des substrats biologiques dans les usines industrielles. La réaction inverse produit du gaz hydrogène (H2), qui peut être stocké pour servir dans un second temps.

Or, le laboratoire de Xile Hu à EPFL, collaborant avec le laboratoire de Seigo Shima à l’Institut Max Plank de Microbiologie Terrestre et des collègues allemands et chinois, a résolu le mystère en utilisant des imitations de cofacteurs d’une hydrogénase (soit des molécules qui aident les enzymes à jouer leur rôle; sans elles, pas de réaction).

Les chercheurs se sont intéressés à l’hydrogénase à [Fe], qui contient un seul atome de fer dans son cofacteur. Ce dernier (dit « FeGP » pour « guanylyl pyridine de fer ») se situe sur le site actif de l’enzyme, où se déroule la réaction qui clive l’hydrogène.

« Nous en savons beaucoup sur la structure et les propriétés de l’hydrogénase à [Fe], mais peu sur sa manière d’activer l’hydrogène en début de réaction, » explique Xile Hu. Or, l’apoenzyme de l’hydrogénase [Fe] (l’enzyme sans son cofacteur) peut être réactivée en la reconstituant avec son cofacteur isolé. Dans cette étude, les chercheurs ont donc généré deux imitations synthétiques de cofacteurs FeGP: l’une avec un groupe 2-hydroxypyridine, l’autre avec un complexe 2-methoxypyridine. Ils ont ensuite reconstitué l’enzyme d’hydrogénase à [Fe] avec ces molécules synthétiques.

« L’avantage est que ces imitations de cofacteurs peuvent être modifiées de façon systématique, et qu’elles sont beaucoup plus faciles à caractériser que l’enzyme », déclare Xile Hu. « Cependant, aucune ne peut activer ou lier l’hydrogène seule. »

Résultat, le cofacteur d’ hydroxypyridine restaure l’activité de l’hydrogénase à [Fe], et cette dernière reste inactive avec l’équivalent de methoxypyridine. Désireuse d’obtenir une idée claire du fonctionnement de l’enzyme, l’équipe a alors pratiqué des calculs avancés en théorie de la fonctionnelle de la densité, une approche de la mécanique quantique qui sert à modéliser la chimie des systèmes complexes.

Ce travail leur a fourni un aperçu unique du mécanisme grâce auquel l’hydrogénase à [Fe] divise l’hydrogène en début de réaction: le groupe 2-hydroxypiridine du cofacteur est déprotoné avant de servir de base interne au clivage de l’hydrogène.

Comprendre comment fonctionnent les hydrogénases peut aider les scientifiques à concevoir des systèmes de production et d’activation de l’hydrogène plus efficaces. « Les technologies énergétiques du futur seront tributaires du développement de catalyseurs novateurs pour l’activation d’hydrogène », explique Xile Hu. « Nous devons par conséquent développer des systèmes de catalyse solides, efficaces et rentables – et cette étude nous fournit une ligne de conduite pour y parvenir. »

Cette étude est une collaboration entre le Laboratoire de synthèse et de catalyse inorganique de l’EPFL et l’Institut Max Plank de microbiologie terrestre. Sont également intervenus le Laboratoire de design moléculaire computationnel de l’EPFL, l’Agence japonaise pour la science et la technologie (JST), l’Institut Harbin de technologie et l’Université libre de Berlin. Elle a été subventionnée par la Société Max Planck, la JST, la Fondation nationale des sciences naturelles de Chine, ainsi que Fonds national suisse pour la science (SNSF).

Source

Shima S, Chen D, Xu T, Wodrich MD, Fujishiro T, Schultz KM, Kahnt J, Ataka K, Hu X. Reconstitution of [Fe]-hydrogenase using model complexes.Nature Chemistry 02 November 2015. DOI: 10.1038/nchem.2382