Développement du potentiel de la spectroscopie attoseconde

Signature de la dynamique ultrarapide couplée des électrons et des noyaux sondés par spectroscopie d'absorption transitoire attoseconde. Crédit: N. Golubev, EPFL

Signature de la dynamique ultrarapide couplée des électrons et des noyaux sondés par spectroscopie d'absorption transitoire attoseconde. Crédit: N. Golubev, EPFL

Des scientifiques de l’EPFL ont démontré le potentiel de la spectroscopie d’absorption transitoire, une technique qui permet d’observer le mouvement ultrarapide des électrons et des noyaux dans une molécule en temps réel et avec une résolution spatiale atomique.

Ces dernières décennies, les grandes avancées technologiques des lasers ont amené à des découvertes majeures en physique atomique et moléculaire. En manipulant des impulsions laser ultracourtes, les scientifiques peuvent désormais étudier des phénomènes extrêmement rapides, tels que le transport de charges dans les molécules et les étapes élémentaires des réactions chimiques. La capacité d’observer ces processus à l’échelle de l’attoseconde (un quintillionième de seconde) permet aux chercheurs d’observer et diriger le mouvement des électrons à leur échelle de temps naturelle.

L’une des technologies ultrarapides émergentes est la spectroscopie d’absorption transitoire attoseconde (SATA), qui permet de suivre le mouvement des électrons au niveau d’un site spécifique au sein de la molécule. Cette caractéristique propre à la SATA est particulièrement intéressante car cela permet de suivre l’évolution de la dynamique moléculaire avec une résolution spatiale atomique.

Les nouvelles sources lasers permettent d’explorer des phénomènes induits par des interactions lumière-matière jusqu’alors méconnus. La théorie va jouer un rôle central dans l’interprétation des résultats des mesures de SATA. Cependant les modèles théoriques développés jusqu’à ce jour ne prenaient pas en compte simultanément le mouvement nucléaire et la cohérence électronique.

Récemment une équipe de physiciens du Laboratoire de chimie physique théorique (LCPT) de l’EPFL a atteint cet objectif en étendant la théorie de la SATA, permettant ainsi la prise en compte de la corrélation entre les électrons et les noyaux dans la dynamique. Réalisés en collaboration avec Alexander Kuleff de l’université de Heidelberg, ces travaux ont récemment été publiés dans Physical Review Letters.

« Nous présentons une expression quasi-analytique et simple de la section efficace d’absorption des molécules, tenant compte du mouvement nucléaire et de la dynamique non-adiabatique et uniquement composée de termes physiquement intuitifs », explique Nikolay Golubev, post-doctorant au LCPT et principal auteur de l’étude.

En étendant la théorie de la SATA, les scientifiques montrent également que cette technique de spectroscopie a une résolution suffisante pour « voir » la décohérence du mouvement des électrons causée par le réarrangement nucléaire de la molécule.

Mettant la théorie en pratique, l’équipe a testé la molécule polyatomique de l’acide propiolique. « La simulation de la SATA aux rayons X de l’acide propiolique a été rendue possible en combinant des méthodes de structure électronique ab initio avancées avec une dynamique nucléaire semiclassique efficace », explique Jiří Vaníček, responsable du LCPT. En développant notre connaissance du mouvement corrélé des électrons et des noyaux dans les molécules, les découvertes des chercheurs du LCPT pourraient également nous aider à comprendre d’autres phénomènes de « l’attochimie ».

Financement

ETHZ (Branco Weiss Fellowship-Society in Science)

Fonds national suisse de la recherche scientifique (NCCR - MUST)

Fondation allemande pour la recherche (programme prioritaire QUTIF)

Références

Nikolay V. Golubev, Jiří Vaníček, Alexander I. Kuleff. Core-valence attosecond transient absorption spectroscopy of polyatomic molecules. Physical Review Letters 127, 123001 (2021). DOI: 10.1103/PhysRevLett.127.123001