Des vaccins personnalisés contre le cancer

Yu Zhao et Li Tang© 2020 EPFL

Yu Zhao et Li Tang© 2020 EPFL

Le seul vaccin thérapeutique contre le cancer disponible sur le marché a jusqu’ici démontré très peu d’efficacité en clinique. Des chercheurs de l’EPFL travaillent sur une alternative. Ils ont mis au point une plateforme qui permet de déposer un vaccin anticancéreux à un endroit précis, et de stimuler le système immunitaire de manière sûre. Ils lèvent ainsi l’un des deux obstacles à la création d’un vaccin efficace.

Mis au point il y a 100 ans, le vaccin thérapeutique contre le cancer est resté largement inefficace jusqu’ici. Il y a en effet deux obstacles majeurs à l’obtention d’un résultat tangible. Tout d’abord, les mutations des tumeurs de chaque patient étant uniques, il est essentiel de cibler les antigènes des cellules cancéreuses de façon extrêmement précise, ce qui est très difficile. Ensuite, il faut trouver un système sûr pour livrer ce vaccin au bon endroit, et obtenir une réponse forte et spécifique du système immunitaire.

A la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur de l’EPFL, l’équipe de Li Tang présente une solution au problème de ciblage. Les chercheurs ont utilisé une technique de polymérisation (la polycondensation) pour développer un prototype de vaccin capable de se rendre automatiquement à l’endroit souhaité, afin d’activer les cellules immunitaires. Testée avec succès sur des souris, la technique a été brevetée, et elle fait l’objet d’une publication dans ACS Central Science. Li Tang a par ailleurs co-créé une sartup du nom de PepGene avec des partenaires qui eux, travaillent sur un algorithme pour la prédiction d’antigènes mutés d’une tumeur. Combinées, ces deux techniques devraient déboucher sur la mise au point d’un nouveau vaccin bien plus efficace contre le cancer.

Aider le corps à se défendre

La plupart des vaccins (contre la rougeole ou le tétanos, par exemple) sont des vaccins préventifs. On inocule à un patient sain des germes affaiblis ou inactivés d’un virus, afin que le système immunitaire produise des anticorps. Le corps sera ainsi prêt à se défendre lors d’une infection future.

Dans le cas du vaccin thérapeutique contre le cancer, il ne s’agit pas de prévenir, mais bien d’aider le corps à se défendre contre une maladie, alors qu’elle est déjà présente. «Il existe différentes sortes d’immunothérapies en dehors des vaccins, mais certains patients n’y répondent pas bien. Le vaccin pourrait être combiné à ces immunothérapies, afin d’obtenir la meilleure réponse immunitaire possible», indique Li Tang. Autre avantage, les vaccins devraient permettre de limiter le risque de rechute.

Mais comment tout cela fonctionne-t-il ?

Ne pas se perdre dans le flux sanguin

La livraison d’un vaccin contre le cancer au système immunitaire comporte différentes étapes. D’abord, le vaccin est inoculé au patient par voie sous-cutanée. L’idée étant qu’il voyage jusqu’aux nœuds lymphatiques, où prolifèrent les cellules immunitaires. Une fois la destination atteinte, on attend du vaccin qu’il pénètre dans les cellules dites dendritiques, qui jouent en quelque sorte le rôle de donneuses d’alerte. Si le vaccin les stimule correctement, les cellules dendritiques présentent aux cellules combattantes (les cellules T) les antigènes spécifiques qu’elles auront à combattre, ce qui permet de les activer et de les entraîner.

Cette procédure paraît simple, mais elle est extrêmement difficile à mettre en œuvre. De par leur petite taille, les composants des vaccins ont tendance à se disséminer, ou à être absorbés dans le flux sanguin avant d’atteindre les nœuds lymphatiques.

Pour contourner cet obstacle, Li Tang a mis au point un système qui permet de lier chimiquement les éléments du vaccin entre eux, afin de former un composant plus volumineux. Baptisé Polycondensate Neoepitope (PNE), le nouveau vaccin se compose de néoantigènes (les mutations d’antigènes spécifiques de la tumeur à combattre) et d’un adjuvant. Mis ensemble dans un solvant, les éléments se lient naturellement entre eux, formant une entité trop grosse pour être absorbée par les vaisseaux sanguins, et qui se dirigera naturellement vers les nœuds lymphatiques.

Grâce à sa taille, le vaccin n'est pas absorbé par les vaisseaux sanguins: il se dirige naturellement vers les nœuds lymphatiques © LBI / EPFL

Une fois à l’intérieur des cellules dendritiques, les éléments composant ce vaccin se dissocient à nouveau. Ce qui permet à la cellule dendritique de présenter les bons antigènes aux cellules T, induisant une puissante réponse immunitaire. « Ce nouveau vaccin, combiné à une analyse très pointue des néoantigènes chez chaque patient, devrait permettre d’activer le système immunitaire des patients cancéreux de manière personnalisée et sûre», commente Li Tang.

Reste à perfectionner l’étape de détection des néoantigènes spécifiques des tumeurs. « Cette étape d’identification est tout aussi cruciale. Comme ces néoantigènes ne sont pas présents dans les cellules saines, une bonne identification permettra de cibler très précisément les cellules malignes, sans toxicité pour les tissus sains. »

Références

Lixia Wei, Yu Zhao, Xiaomeng Hu and Li Tang, Redox-Responsive Polycondensate Neoepitope for Enhanced Personalized Cancer Vaccine, ACS Central Science