Des smartphones pour combattre les maladies des plantes

Des maladies des plantes (crédit: David Hughes/Penn State University)

Des maladies des plantes (crédit: David Hughes/Penn State University)

L’EPFL et la Penn State University publient pour la première fois 50’000 photos de maladies des plantes en accès libre. Ces images seront utilisées pour réaliser une application qui épaulera les cultivateurs du monde entier.

Les maladies des cultures, une cause importante de famine, doivent toujours être diagnostiquées par une inspection de visu, même si les microscopes et le séquençage d’ADN sont également employés de nos jours. La première ligne de défense reste néanmoins le regard affuté des fermiers du monde entier, dont beaucoup n’ont pas accès à des diagnostics avancés et à des conseils de traitement. Afin de résoudre ce problème, des scientifiques de l’EPFL et de la Penn State University vont mettre à disposition 50’000 images de céréales saines et infectées en accès libre. Ces clichés permettront à des experts en apprentissage machine de mettre au point des algorithmes capables d’identifier immédiatement les maladies des cultures. Cet outil sera ensuite transmis aux cultivateurs sous la forme d’une application pour smartphone.

Le monde a besoin d’un apport stable en nourriture, d’autant que sa population globale va atteindre les 9 milliards en 2050. Dans ces conditions, une vraie sécurité alimentaire devient de plus en plus cruciale. Les maladies des cultures continuent toutefois de sévir, entraînant des famines de masse. Le défi est donc de faire pousser suffisamment de nourriture sans en perdre en raison d’insectes ou de maladies.

La fameuse famine de la pomme de terre en Irlande (1845-1847) a causé la mort de plus d’un million d’individus lorsque l’oomycète ‎Phytophthora infestans a provoqué un mildiou qui a infesté toutes les récoltes du pays. De nos jours, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime encore que les maladies des cultures réduisent chaque année leur potentiel de rendement d’au moins 40%.

Marcel Salathé de l’EPFL et David Hughes de la Penn State University renforcent notre première ligne de défense contre ces maladies en exploitant nos smartphones. Ils ont décidé de publier une base de donnée en libre accès avec 50’000 images de plantes infectées ou malades.

L’objectif de cette initiative est de fournir aux développeurs de logiciels du « matériel brut » pour créer des algorithmes d’apprentissage machine. De tels systèmes informatiques permettent de détecter des schémas dans un fichier de données afin de procéder à des déductions dans un autre. Grâce à des avancées spectaculaires dans le développement d’algorithmes ainsi que l’informatique et le stockage bon marché de masses de données, les atouts de l’apprentissage machine ont infiltré nos vies, de la reconnaissance faciale dans nos photos et vidéos aux systèmes de recommandation des boutiques en ligne.

Salathé et Hughes veulent appliquer ces techniques développées par des chercheurs en informatique au problème de la détection et de l’identification des maladies des cultures. Des algorithmes précis seront intégrés à une application afin que les fermiers puissent prendre leurs plantations en photo et obtenir un diagnostic instantané, ainsi que des conseils quant au traitement à appliquer.

Pour les deux scientifiques, ce travail est une suite logique de leur projet PlantVillage, l’une des plus grandes bibliothèques au monde en matière de connaissances scientifiques sur les maladies des plantes. Celui-ci répertorie 154 types de cultures et plus de 1’800 maladies – et continue à croître. « PlantVillage n’est pas qu’une bibliothèque. C’est aussi un réseau d’experts qui aide les individus du monde entier à trouver des solutions à leurs problèmes, » déclare Marcel Salathé. « Notre objectif est de confier le gros du diagnostic au smartphone, afin que les experts humains puissent se focaliser sur les cas difficiles et inhabituels. »

Cette application, la prochaine étape de cette évolution, mettra à profit les capacités d’imagerie et la connexité des smartphones pour automatiser la reconnaissance des maladies des plantes. « Ce qui est bien avec le téléphone, c’est qu’il est partout dans nos sociétés modernes, des jardins communautaires de Brooklyn aux petites fermes du Burkina Faso, » ajoute David Hughes. Avec 5 milliards de smartphones attendus d’ici 2019, les applications mobiles ont le pouvoir de révolutionner la récolte de nourriture.

L’obstacle majeur consiste cependant à entraîner les algorithmes à distinguer les cultures malades des saines. Or, même si la photographie numérique est devenue accessible et abordable, trouver suffisamment d’images de maladies des récoltes disponibles afin d’entraîner les algorithmes restait jusqu’ici une gageure.

« En proposant ces clichés en libre accès, nous lançons un défi à la communauté globale de deux manières, » explique Hughes. « Nous encourageons d’une part le réseau de santé des cultures à partager ses images de plantes malades, d’autre part celui de l’apprentissage machine à nous aider à mettre au point des algorithmes plus précis. »

Selon Salathé, « la prochaine étape consiste à combiner l’énorme expertise mondiale en matière de science des données avec nos fichiers libre accès sous la forme d’une compétition ayant pour but de développer de meilleurs algorithmes de diagnostic des maladies des plantes. Dans un futur très proche, nous lancerons ainsi le premier concours en ligne basé sur le fichier de données que nous fournissons aujourd’hui ».

« C’est quelque chose de très excitant, » ajoute Hughes. « Internet et les plateformes mobiles ont transformé de nombreux aspects de notre quotidien. Ces compétitions en ligne ainsi que la production participative vont désormais nous permettre de faire évoluer la clé de voûte de nos sociétés, la façon dont nous cultivons nos aliments. »

(Dossier de presse: http://bit.ly/1LvuUnN_EPFL)