Des robots de gomme microscopiques pour prévenir les maladies

muscles artificiels à base d'hydrogel© Nebahat Yenihayat

muscles artificiels à base d'hydrogel© Nebahat Yenihayat

Des chercheurs de l’EPFL ont développé des muscles artificiels microscopiques en hydrogel, qui permettent de manipuler et de stimuler mécaniquement des tissus biologiques. Biocompatibles, ces nouveaux robots de gomme ouvrent de nouvelles portes pour les traitements ciblés, et pour la prévention de certaines maladies.

Dans le corps humain, les cellules et les tissus sont sujets à de nombreux stimuli mécaniques, qui influencent leurs fonctions physiologiques -la façon dont ils protègent les organes des blessures, notamment. Dans ce contexte, la possibilité d’exercer des forces mécaniques contrôlées sur des tissus vivants (in vitro et in vivo), peut se révéler très important pour étudiers les conditions qui mènent au dévelopement de certaines maladies.

A l’EPFL, l’équipe de Selman Sakar a mis au point des micromachines, qui fonctionnent grâce à des muscles artificiels de la taille d’une cellule. Ils peuvent stimuler mécaniquement des cellules ou des micro-tissus, et réaliser des tâches complexes de manipulation dans des conditions physiologiques à l’échelle microscopique.

Les micromachines molles sont mises en mouvement à l’aide de lasers, et peuvent être intégrées directement dans des puces microfluidiques. Cette particularité permet d’effectuer des tests en stimulant chimiquement et mécaniquement des échantillons biologiques variés. L’étude est publiée dans Lab on a Chip.

Comme des Lego

L’idée a germé chez les chercheurs en observant le fonctionnement du système locomoteur humain. « Nous voulions créer un système modulaire, qui fonctionne par contraction d’actuateurs distribués et par la déformation de mécanismes résilients», explique Selman Sakar, Professeur assistant à la Faculté des Sciences et Techniques de l'Ingénieur.

Le système se compose de différents modules en hydrogel, qui sont assemblés à l’image de briques de lego, pour former un squelette flexible. Des connections sont ensuite créées entre le squelette et les actuateurs, en utilisant des sortes de tendons en polymères. En combinant les briques et les actuateurs de différentes manières, il est possible de générer tout un catalogue de micromachines complexes.

«Nos actuateurs mous se contractent de manière rapide et efficace dès que nous leur envoyons de la lumière infrarouge. Ainsi, lorsque les nanoactuateurs du réseau se contractent collectivement, ils tirent sur les éléments qui leur sont rattachés, ce qui met les machines en mouvement », explique Berna Ozkale, premier auteur de l’étude.

Avec cette technique, les scientifiques peuvent activer de nombreux microactuateurs à distance, et guider des machines à la dextérité et aux performances exceptionnelles. Les actuateurs peuvent par exemple se contracter fortement et se relâcher en quelques millisecondes.

Les applications sont nombreuses et variées. En plus de la recherche fondamentale, les médecins pourraient par exemple se servir de ces dispositifs biocompatibles pour créer de minuscules implants, afin de stimuler mécaniquement des tissus, et d’enclencher des mécanismes pour diffuser des agents biologiques sur demande.

Envelopper les objets, puis les soulever

En parallèle à leur recherche, les chercheurs du laboratoire de Selman Sakar ont mis au point une autre technique pour saisir des objets microscopiques de n’importe quelle forme dans des fluides. Leur recherche a fait la couverture de Small. Au contraire des systèmes conventionnels, il n’est nul besoin de connaître la forme à attraper, puis d’adapter la pince à la morphologie de l’objet à saisir.

Ici, une balle d’hydrogel possède la particularité unique de se « souvenir » de sa forme initiale. Lorsque cette balle, qui se situe au bout d’un tube de métal, est pressée contre un objet, elle l’enveloppe et s’adapte à sa forme. Des ions de calcium sont ensuite envoyés à travers la tige directement dans l’hydrogel, ce qui le solidifie.

A ce stade, l’hydrogel peut déplacer l’objet cible. En augmentant la température, il est possible d’augmenter la contraction, afin de transporter des objets plus lourds. Pour relâcher l’objet, des ions de potassium sont envoyés dans le tube à la place des ions de calcium, ce qui rend la balle d’hydrogel molle à nouveau, « L’hydrogel peut s’adapter à pratiquement toutes les formes, ce qui en fait une sorte de pince universelle», explique Haiyan Jia, premier auteur de l’étude.

Financement

This research has received funding from the European Research Council (ERC) under the Horizon 2020 research and innovation programme (grant agreement 714609)

Références

Berna Ozkale, Raquel Parreira, Ahmet Bekdemir, Lucio Pancaldi, Ece Ozelci, Claire Amadio, Murat Kaynak, Francesco Stellacci, David Mooney, and Selman Sakar. “Modular soft robotic microdevices for dexterous biomanipulation”, Lab on a Chip, 2019, DOI: 10.1039/c8lc01200h.

Haiyan Jia, Erik Mailand, Jiangtao Zhou, Zhangjun Huang, Giovanni Dietler, John Kolinski, Xinling Wang and Selman Sakar. “Universal soft robotic microgripper”, Small, 2019, DOI: 10.1002/smll.201803870.