Des projets à distance, dans l'espace et dans le temps

Rocket Team © Alain Herzog / EPFL

Rocket Team © Alain Herzog / EPFL

Les étudiants et étudiantes impliqués dans les projets interdisciplinaires soutenus par l’EPFL n’ont pas échappé à la règle du télétravail pour limiter la propagation du Covid-19. Malgré les difficultés, c’est avec optimisme qu’ils font face.

Grâce aux projets interdisciplinaires soutenus par l’EPFL, étudiants et étudiantes de différents domaines travaillent ensemble sur des cas concrets. Mais la crise sanitaire liée au Covid-19 est passée par là, poussant les équipes en charge des projets et les participants à revoir leurs plans. Le mot d’ordre: s’adapter.

Lorsque l’accès sur le campus a été interdit, les six équipes impliquées dans la compétition de robotique travaillaient encore sur le cahier des charges de leur robot de nettoyage. «Tout s’est arrêté du jour au lendemain» , explique Alessandro Crespi, collaborateur scientifique au Laboratoire de biorobotique et coordinateur de la compétition. «Ce qui motive les étudiants, c’est de construire le robot. Il est donc impensable de réaliser le projet en simulation». La compétition, tout comme le concours interne Lab in a tube, sont donc reportés au semestre prochain. La décision semble faire l’unanimité chez les étudiants puisque tous se relancent dans l’aventure.

Compétition de robotique, édition 2019 © Alain Herzog / EPFL

«En attendant, un suivi sous forme d’ateliers en ligne est proposé par les coordinateurs de projet afin que les étudiants puissent tout de même acquérir les compétences nécessaires pour relever les défis auxquels ils seront confrontés au cours de leur vie professionnelle», souligne Julien Delisle, coordinateur des projets interdisciplinaires.

Défendre son projet à distance

La solution en ligne a toutefois été adoptée par plusieurs événements devant avoir lieu cet été, dont la compétition SensUs. Cette année, les équipes doivent développer un biocapteur pour le traitement de l’épilepsie. Les étudiants représentant l’EPFL ont continué à développer l’aspect théorique de leur projet à distance. Pour certains, les tests ont même commencé à la maison. «On est un peu en mode DIY («Do It Yourself»)», plaisante Aurélie Ducrot, étudiante en ingénierie des sciences du vivant. Tournant l’actualité à son avantage, l’équipe Helvet’Sens planche sur un biocapteur qui pourrait s’appliquer à d’autres molécules. «Nous pourrions par exemple faire des tests sérologiques afin de détecter la présence d'anticorps au coronavirus dans le sang», explique MaximeMarchionno. L’étudiant en microtechnique, enchaine: «Ce gros travail théorique demande d’autres compétences, mais ça a énormément de valeur. On a pu pousser la partie business, avec de nombreuses recherches et discussions avec des professionnels. Par contre, pour la partie pratique qui devait se dérouler cet été, la situation est encore floue, mais on espère vraiment pouvoir retourner sur le campus».

En 2018, huit étudiants de l’EPFL ont remporté le prix technique de la compétition internationale SensUs

Helvet’Sens défendra donc son projet depuis la Suisse, tout comme le feront les étudiants de bio-ingénierie participant au concours international de biologie synthétique iGEM (International Genetically Engineered Machine). «C’était un défi de garder la motivation au plus haut pendant le confinement», confient Laura Iacobucci, étudiante en chimie et génie chimique, et Harshdeep Harshdeep, étudiant en systèmes de communication. «Mais on a réussi à rester assez soudés pour surmonter cette crise». A défaut de se rendre en laboratoire pour poursuivre leur projet et apprendre les techniques de base de biologie synthétique, ceux-ci ont tout de même gardé la tête haute: «Cet éloignement nous a forcé à approfondir tous les aspects de notre solution et à en développer des aspects plus évolutifs, que l’on pourrait par exemple tester à la maison».

En temps normal, ces compétitions sont l’occasion d’interagir avec des professionnels et de mettre un pied dans le monde de l’entrepreneuriat. Un manque pour les participants, qui attendent de savoir si une version en ligne de ce networking est envisagée.

Des projets qui avancent, donc, mais aussi des plantes qui continuent à pousser. C’est le constat positif de Victoria Letertre, étudiante en ingénierie système et présidente de l’association GrowBotHub. Celle-ci réalise un système robotique qui fait pousser et récolte des plantes de manière automatisée et autonome et qui est destiné à être utilisé dans des environnements extrêmes. Le projet sera présenté en juillet, lors de la deuxième édition d’IGLUNA qui aura lieu en ligne.

Temps perdu ou temps gagné?

En raison du report ou annulation des compétitions, il n’y aura ni tours de circuits en Europe pour l’EPFL Racing Team, ni navigation en mer Méditerranée pour l’équipe de Swiss Solar Boat, ni voyage en Chine pour le China Hardware Innovation Camp (CHIC). Quant au désert du Nouveau Mexique, il n’accueillera pas la Spaceport America Cup, à laquelle l’EPFL Rocket Team devait participer. La fusée devait être finalisée et soumise au lancement test en avril. A la place, l’équipe a avancé tant bien que mal sur quelques pièces depuis la maison et s’est assurée un créneau pour un lancement depuis une des bases de l’armée suisse en juillet.

De son côté, l’EPFL Racing Team a fait le choix de ne pas construire son prototype. «On veut utiliser nos ressources pour pousser l’optimisation et améliorer le design de la voiture pour l’année prochaine», confie Pierre Georges, responsable de l’équipe. Même état d’esprit pour l’équipe du Swiss Solar Boat, à la différence que l’assemblage du bateau était déjà en route lorsque le campus a fermé. «On venait de récupérer les pièces du chantier naval», se souvient Adrien Peltier, président du Comité. «On a changé notre façon de travailler et axé nos efforts sur la conception, ce qui est bien car on a maintenant un design plus abouti». Et si ces étudiants peuvent faire des simulations depuis chez eux, c’est grâce aux efforts de Julien Delisle et d’Alessandro Crespi, qui ont mis à disposition – à distance - des ordinateurs assez puissants pour permettre ce genre de travaux.

L’année dernière, l’EPFL Racing Team participait pour la première fois à la ocmpétition Formula Student.

Pierre Georges veut rester positif: «Si l’on peut revenir sur le campus en septembre, on sera presque prêts à construire la voiture. La phase de test sur piste sera donc beaucoup plus longue que d’habitude». Quant au bateau asymétrique d’Adrien Peltier et sa soixantaine de «collègues», il sera idéalement mis à l’eau en septembre pour la phase d’optimisation. L’équipe pourra alors récolter un maximum de données sur la façon dont il se comporte et faire les adaptations nécessaires en vue du Monaco Solar Boat Challenge 2021.

Moins d’impact pour les projets à long terme

La quarantaine d’Alumni et étudiants de SP80 vise toujours 2022 pour établir le nouveau record du monde de vitesse à la voile. Les projets ont été adaptés pour être poursuivis à distance, les étudiants seront crédités comme prévu et l’équipe a même profité de cette période pour rattraper son retard sur certains aspects techniques. «Avec la reprise partielle début mai, je peux retourner sur le campus avec quelques autres collaborateurs qui font partie de l’équipe», explique Mayeul van den Broek, chef de projet. «On utilise nos moments de libre pour avancer sur la construction du prototype et ensuite donner un feedback aux étudiants». Pour lui, la crise sanitaire pose surtout des difficultés pour le sponsoring: «Jusqu’à début 2021, on a de quoi avancer car beaucoup de choses peuvent se faire à l’interne. Par contre, il faut que l’on trouve le budget nécessaire pour commencer la construction du bateau en avril/mai 2021».

L'équipe de SP80 © EPFL

Nicolas Martinod, Vice-président de l’association EPFL Spacecraft Team, estime que son équipe fait partie des chanceux. «On en est à la première phase de la construction de notre satellite, qui est axée design et qui peut donc être réalisée depuis chez nous», indique-t-il. «On a seulement dû adapter notre méthode de recrutement pour l’équipe de l’année prochaine mais tout s’est bien passé puisqu’on a eu une petite quarantaine de candidatures».

Quant au projet Bal’eclectic, qui a pour but de rendre les étudiants attentifs aux possibilités d’innovation dans le domaine culturel, ce n’est que partie remise. L’application de tracking de foule et de tracking émotionnel pourra être complètement au point pour être testée lors de l’édition 2021 du festival Balélec.

Période propice aux nouvelles initiatives

Aller au-delà de ce qui était prévu, c’est ce que les étudiants d’EPFL Rocket Team comptent faire. «Pour garder l’esprit de partage, on a contacté les équipes européennes pour connaitre leur ressenti face à la situation et voir quelles opportunités ils auraient de leur côté pour un éventuel lancement à l’échelle européenne», commente Pierre Groslambert, étudiant en microtechnique. Même si la date est encore incertaine, leur initiative semble plutôt bien partie puisqu’ils discutent avec une trentaine d’équipes et avec les agences spatiales de différents pays pour trouver un site de lancement. Baptiste De Christen, étudiant en génie mécanique, poursuit: «Tout ceci dans l’espoir de voir naitre une compétition européenne».

Lancement de la Fusée Eiger de l’EPFL Rocket Team lors de la Spaceport America Cup 2019

La période de confinement a également été sujette à réflexion pour les porteurs de projets puisque de nombreuses propositions ont atterri sur le bureau de Julien Delisle: «C’est très positif car un bon nombre de ces projets permettront d'impliquer des étudiants de sections qui, pour l’instant, sont moins représentées». L’aventure continue.