Des haut-parleurs dans le réacteur

© 2014 Alain Herzog

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A moins d’assister à une grand-messe aéronautique ou de partir en voyage, les nuisances sonores liées aux moteurs d’avions sont rarement bien tolérées. Différents moyens de réduire ce bruit de manière significative sont actuellement testées par le Laboratoire d’électromagnétisme et acoustique de l’EPFL.


A Payerne, les avions de chasse présenteront à nouveau leurs prouesses aériennes au public ce week-end. Bien avant l’arrivée sur le site, les moteurs de certains aéronefs se font entendre de manière assourdissante. A l’entrée de la manifestation, des milliers de tampons auriculaires sont d’ailleurs largement distribués pour limiter les conséquences d’un bruit pouvant aller jusqu’à 100 ou 120 décibels au décollage, frisant le seuil de la douleur pour l’oreille humaine. Des chercheurs européens planchent sur des solutions permettant de réduire le bruit à la source, en particulier pour réduire les nuisances liées aux vols de ligne. D’autant qu’une forte augmentation du trafic aérien civil est prévue ces prochaines années : alors qu’on estime à 30 millions le nombre de vols commerciaux pour cette année, pas moins de 200 millions sont attendus pour 2020.

Différents bruits émanent des appareils: bruit de moteur régulier lorsque l’avion est en vitesse de croisière, bruit aérodynamique résultant des turbulences autour du train d’atterrissage ou dû au passage de l’air sur les volets situés sur les ailes, etc. Mais le plus gênant pour les gens au sol reste le bruit lié à la rotation des pales des moteurs au décollage et à l’atterrissage.

Comment diminuer le bruit que produit un avion sans modifier les performances du moteur? Paradoxalement, l’une des solutions envisagées est l’intégration de haut-parleurs dans les réacteurs. Le but étant de réduire le bruit en générant l’anti-bruit correspondant.

L’un des bruits principaux des moteurs émane de la compression de l’air entre les rotors, partie mobile du moteur et les stators, constitués de pales fixes. L’une des technologies développée dans le cadre d’un projet européen et actuellement testée au Laboratoire d’électromagnétisme et acoustique (LEMA) vise à intégrer des haut-parleurs piézoélectriques dans les pales du stator. Ils fonctionnent grâce à la propriété qu’ont certains matériaux de se déformer lorsqu’une tension électrique leur est appliquée. Un ensemble de petits microphones, également placés dans le réacteur, captent l’onde acoustique incidente. Ils envoient l’information à un contrôleur électronique qui calcule le signal à faire parvenir à chacun des haut-parleurs intégrés dans la trentaine de pales, pour s’opposer à l’onde venant du réacteur. «Lorsqu’ils fonctionnent tous ensemble, le bruit de l’avion peut être diminué de 1,5 à 2 décibels le bruit perçu par l’oreille humaine », note Hervé Lissek, responsable du groupe d’acoustique du laboratoire. Un gain qui pourrait être testé sur des appareils d’ici cinq ans déjà.

Le bruit produit par un avion étant composé de plusieurs sources physiques, caractérisées par des gammes de fréquences différentes, il faudra d’autres innovations pour parvenir à gagner les six décibels visés par les projets européens de recherche dans ce domaine. D’autres technologies de haut-parleurs actifs, développés par Hervé Lissek et son équipe, visent à remplacer la couche de matériau absorbant en nid d’abeille qui entoure les réacteurs. Le procédé vise à utiliser les membranes des haut-parleurs comme des résonateurs acoustiques, dont les propriétés (comme la fréquence de résonance et le facteur d’amortissement) peuvent être réglées par des moyens électriques. L’énergie acoustique provenant du réacteur peut ainsi être absorbée sur une gamme de fréquence variable.

D’autres techniques de réduction active du bruit sont développées par des partenaires du projet. A titre d’exemple un dispositif à base de micro-jets d’air placés autour de la tuyère des réacteurs pourrait permettre de réduire le bruit résultant des turbulences en sortie des moteurs, dominant lorsque l’avion a atteint sa vitesse de croisière.



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© 2014 Alain Herzog
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