Des filtres Photoshop pour sécuriser les viaducs

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Des outils de traitement d’images permettent de mieux surveiller la stabilité des infrastructures comme les ponts ou les gazoducs. Plus exactement, ils augmentent d’un facteur 100 la précision des mesures par fibres optiques.

Comment s’assurer en continu de la stabilité d’un pont, ou détecter en temps réel une fuite dans un gazoduc ? Depuis quelques années s’est imposée une méthode basée sur l’utilisation de fibres optiques. En mesurant finement le parcours de la lumière dans la fibre, sur des longueurs pouvant atteindre 100 kilomètres, il est possible de déduire des informations sur la température, la pression ou l’intensité des champs magnétiques régnant tout au long de celle-ci. A l’image d’un nerf, qui renseigne à la fois sur l’intensité d’un stimulus et sur sa position.

La méthode commençait toutefois à atteindre ses limites. En fonction de l’usage prévu, il fallait soit sacrifier de la longueur, soit se contenter d’une résolution plus faible – ou multiplier les appareillages, générant de coûteux investissements.

Un million de mesures sur un cheveu
Grâce aux travaux du Groupe de fibres optiques de l’EPFL, il sera désormais possible de profiter d’une résolution extrêmement fine, même en augmentant la longueur de la fibre. « Nous pouvons sans problème exploiter un million de points de mesure sur une seule fibre optique du diamètre d’un cheveu, soit une résolution d’un centimètre sur 10 kilomètres », se réjouit Luc Thévenaz, directeur du Groupe. C’est cent fois plus précis que ce que permettent les techniques actuelles.

Les mesures réalisées par ce type d’instruments doivent être traitées, car elles comportent des « parasites ». Le rapport entre les signaux exploitables et le « bruit» ne peut pas descendre au-dessous d’un certain seuil, faute de quoi les mesures ne seront pas fiables.

Les arts graphiques à la rescousse
Les chercheurs de l’EPFL ont pu augmenter drastiquement ce rapport en exploitant une technologie empruntée à un tout autre domaine : celui des arts graphiques. « Les valeurs recueillies sur les points de mesure de la fibre peuvent être représentées sous la forme d’une matrice de pixels – soit une image en deux dimensions, décrit Luc Thévenaz. En appliquant à cette image des filtres graphiques conventionnels, tels que ceux qui existent dans Photoshop, nous avons pu diminuer très efficacement le bruit inhérent à cette technique de mesure, et mettre ainsi en évidence de façon plus précise les valeurs recherchées. »

Poussant encore plus loin la réflexion, ses équipes ont aussi transformé en séquences vidéo des mesures plus complexes, qui prennent en compte plusieurs paramètres simultanément. Là encore, la magie des filtres vidéos « classiques » a opéré.

Ces avancées, qui font l’objet de deux articles publiés dans Light: science & applications (Nature) et Nature communications, font entrer le domaine des capteurs à fibres optiques distribués dans une nouvelle ère, estime Luc Thévenaz, et cela en exploitant uniquement des techniques logicielles, par définition bien moins chères qu’une multiplication des appareils de mesure.