Des chercheurs en Haïti pour contrer la transmission du choléra

© 2011 EPFL

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Deux laboratoires de l’EPFL se sont mobilisés autour de Terre des Hommes Lausanne. Ils ont créé un groupe de travail pour développer des outils capables de prédire la dissémination de la bactérie et organiser de manière efficace l’aide sanitaire.

Janvier 2010 un tremblement de terre d’une magnitude de plus de 7,0 détruit Haïti, ravage Port au Prince sa capitale, fait 230 mille morts et plus de 300 mille blessés. L’état d’urgence est décrété. Plus de 10 mille ONG se retrouvent sur le territoire ainsi que des casques bleus. Humanitaires et forces de maintien de la paix prodiguent les premiers secours: distribution d’eau potable, soins médicaux, déblaiement des gravats. Une aide qui va être confrontée, 9 mois plus tard, à des cas de choléra. Les vecteurs de transmission de la maladie sont les eaux polluées, les fruits et légumes arrosés ou les mains sales. Sans usine de traitement des eaux, tout se déverse dans les rivières. Et les cours d’eau, en Haïti, sont des lieux stratégiques, on s’y lave, on y joue, on y boit. Un an et demi après la catastrophe, la population vit toujours dans les décombres et au milieu des détritus.

Une souche inconnue en Amérique du sud

On n’avait pas recensé de cas de choléra depuis 100 ans dans le pays. La population n’était pas préparée à subir ce nouveau coup du sort. Des études ont démontré que la bactérie était identique à celles que l’on trouve en Asie et qui pouvaient infecter les soldats népalais UN. Avant leur arrivée, il est peu probable qu’ils aient eu le temps de subir des tests. Comme la souche est apparue après leur installation, à l’aval de leur campement, il se pourrait qu’elle ait été transmise via leurs eaux usées.
« Si la maladie n’est pas traitée, elle peut passer pour une vilaine diarrhée, explique Mélanie Blokesch, professeure au Laboratoire de microbiologie moléculaire de l’EPFL et spécialiste de l’évolution de la bactérie du choléra, dans les cas sévères, on peut perdre 20 litres d’eau par jour, les enfants succombent en quelques heures.» L’absorption d’une solution salée permet d’empêcher la déshydratation fatidique. Il est donc indispensable de prédire le déplacement de la bactérie à court terme afin d’avertir les organismes de santé et de protéger les populations.

Quand l’Environnement rencontre les Sciences de la vie

Andréa Rinaldo mène, dans son Laboratoire d’échohydrologie à l’EPFL, des recherches sur le rôle des réseaux fluviaux, véritables corridors écologiques, dans la propagation des maladies d’origine hydrique. Peu de temps après l’apparition du choléra fin 2010, il publie un modèle spatial qui permet de prédire la distribution de la bactérie pathogène, dans les lieux, dans le temps et par la mobilité humaine en Haïti. « Nous devions améliorer le modèle et comprendre pourquoi il ne correspondait pas toujours à la réalité et pourquoi on assistait à des pics épidémiques inexpliqués. C’est pour cette raison que nous avons décidé de nous rendre sur place et de nous confronter au terrain. » Le groupe de chercheurs est composé de Mélanie Blokesch, microbiologiste, Andréa Rinaldo, hydrologiste et Silvan Vesenbeckh, épidémiologiste à la Harvard Medical School.

Sur place les paramètres changent

Dès leur arrivée, les chercheurs vont de surprise en surprise, ils découvrent que des antibiotiques sont distribués à large échelle, voire de manière prophylactique. Sans directives claires, certaines ONG font ce qui leur semble juste, parfois à l’opposé des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, ce qui fausse donc la représentation spatiale du problème.

Ils constatent que la majorité des gens n’ont pas accès aux toilettes et se soulagent dans la nature. Pendant la saison des pluies, l’eau transporte les bactéries fécales jusqu’aux rivières et les pollue, ce qui augmente le nombre de personnes exposées à l’eau contaminée. La pluie a d’autres conséquences inattendues «l’eau fait même fondre les affiches de préventions en papier, les gens ne les voyant plus pensent que l’épidémie est enrayée et oublient les gestes de précautions. » déplore Mélanie Blokesch. Ce qui explique la recrudescence de l’épidémie à cette période de l’année.

La mission EPFL était de rencontrer les divers acteurs humanitaires comme Médecins Sans Frontières, Terre des Hommes ou encore l’OMS afin de prendre en compte tous les éléments du terrain. C’est chose faite. Bientôt un nouvel outil sera mis à la disposition des organisations pour qu’elles puissent mettre en place rapidement des logistiques de soins. Car Andrea Rinaldo en est certain, l’épidémiologie du futur sera basée sur la modélisation.