De nouveaux outils pour percer les mystères de l'eau

Sylvie Roke dans son laboratoire © 2020 Alain Herzog

Sylvie Roke dans son laboratoire © 2020 Alain Herzog

Sylvie Roke, professeur de bio-ingénierie à l’EPFL, vient d’être nommée membre de la Société américaine de physique. Cette reconnaissance lui a été décernée par ses pairs pour « des contributions fondamentales dans le domaine des technologies de diffusion optique et d'imagerie non linéaires pour l’étude des systèmes aqueux complexes et de leurs interfaces ».

L’eau semble n’avoir de secrets pour personne. Pourtant les réactions physiques et chimiques entre sa surface et le milieu qui l’entoure sont encore mal connues. Sylvie Roke a mis au point, dans son laboratoire de l’EPFL, de nouvelles approches technologiques permettant d’identifier et d’analyser des phénomènes encore inconnus qui s’y produisent à l’échelle nanométrique et microscopique. C’est pour ses importantes contributions de bio-photonique fondamentale qu’elle vient d’être élue membre de la Société américaine de physique (APS). Un prix prestigieux décerné par les physiciens les plus renomméspour « ses contributions fondamentales dans le domaine des technologies de diffusion optique et d'imagerie non linéaires qui permettent des études pionnières au niveau moléculaire de systèmes aqueux complexes et de leurs interfaces. « C'est une belle marque de reconnaissance pour les recherches que mon équipe et moi avons effectuées au cours des dernières années », se réjouit la professeure.

Le statut de membre honoraire de l’APS n’est accordé chaque année qu’à 0,5 % de ses plus de 50'000 membres. Selon le communiqué, cette distinction est décernée pour des contributions exceptionnelles à la physique, la mise au jour d’importantes applications, ou des contributions significatives dans l’enseignement de la branche.

Des approches osées reconnues par les pairs

© 2020 Alain Herzog

Les approches que la scientifique adopte sont souvent risquées car originales. « Nous souhaitons répondre à des questions fondamentales qui nécessitent d'explorer des directions non conventionnelles », souligne-t-elle. Au début, cette stratégie a parfois engendré des réactions critiques du terrain. « S'il s'avère que ces choix sont aujourd’hui largement appréciés, c'est d'autant plus gratifiant. Pas seulement pour moi, mais aussi pour toute mon équipe ».

Les interfaces aqueuses sont habituellement étudiées sous vide, ou comme une interface dans le plan entre l’eau et l’air, et souvent considérées comme un phénomène de seconde catégorie. Or cette région est cruciale pour la plupart des réactions physiques, chimiques, biologiques et géologiques que le précieux liquide engendre. « L’eau interfaciale existe à différentes échelles de longueur, allant du sub-nanomètre au micron (ondulations, organites, membranes, liposomes), et est souvent incluse dans un autre environnement solide ou liquide qui n'est pas du tout comparable au vide ou à l'air. Les conditions d'écoulement ou de champs électrostatiques sont également variables » poursuit Sylvie Roke.

Cette méconnaissance des interfaces est due à un manque d'outils permettant d'y accéder. La recherche dans le Laboratoire de biophotonique fondamentale, piloté par Sylvie Roke, vise à développer des techniques optiques non invasives capables de sonder les systèmes aqueux et de comprendre les propriétés de l’eau au niveau moléculaire dans de nombreux systèmes comme les solutions, les êtres vivants, à l’intérieur et à l'extérieur des gouttelettes ou encore des membranes de cellules.

Fondée en 1899 l’American Physical Society (APS) compte environ 50'000 membres. Elle publie une dizaine de journaux scientifiques, dont Physical Review et Physical Review Letters et propose de nombreuses conférences spécialisées.