De la microscopie en 3D sans faire bouger l'échantillon

© Cécile Hébert/Emad Oveisi/EPFL

© Cécile Hébert/Emad Oveisi/EPFL

Des scientifiques de l'EPFL ont développé une méthode de microscopie électronique à transmission par scanner capable de générer rapidement et efficacement des représentations 3D de nanostructures curvilignes.

Image: Superposées, des images stéréoscopiques en microscopie électronique sans inclinaison (avec des filtres de couleurs) de nanosphères de carbone décorées de nanoparticules. Les même structures apparaissent en rouge et en bleu et les nanoparticules sont légèrement décalées en fonction de leur distribution dans la sphère de carbone. Cette image montre les champs d'application des nouvelles techniques d'imagerie 3D à d'autres structures.

Les sciences physiques et biologiques ont un besoin croissant de pouvoir observer des objets de taille nanométrique. Cela peut être réalisé avec la microscopie électronique à transmission (MET), qui généralement se limite à des images 2D. Utiliser la MET pour reconstruire des images 3D exige d'incliner l'échantillon suivant un arc afin d'en réaliser des centaines d'images, et requiert un traitement d'images sophistiqué pour reconstruire la forme 3D, ce qui pose de nombreux problèmes. Des scientifiques de l'EPFL viennent de développer un procédé de microscopie électronique à transmission à scanner, qui génère des images 3D rapides et fiables de structures curvilignes à partir d'une orientation unique de l'échantillon. Ce travail est publié dans Scientific Reports.

Les laboratoires de Cécile Hébert et Pascal Fua à l'EPFL ont développé une méthode de microscopie électronique capable d'obtenir des images 3D de structures curvilignes complexes, sans devoir incliner l'échantillon. La technique, développée par le chercheur de l'EPFL Emad Oveisi, repose sur une variante de la MET nommée MET à scanner (METS), dans laquelle un faisceau d'électrons effectue un scan de l'échantillon.

La nouveauté de la méthode réside dans le fait qu'elle peut acquérir des images en une seule prise de vue, ce qui ouvre la voie à l'étude dynamique des échantillons tandis qu'ils changent avec le temps. De plus, elle peut rapidement offrir une «sensation» de trois dimensions, exactement comme nous l'éprouverions avec un film en 3D.

«Nos propres yeux peuvent voir une représentation 3D d'un objet en combinant deux de ses perspectives, mais le cerveau doit encore compléter l'information visuelle avec une connaissance préalable de la forme de certains objets», dit Hébert. «Mais dans certains cas, avec MET, nous avons une idée de la forme que doit avoir la structure de l'échantillon. Par exemple, elle peut être curviligne, comme l'ADN ou les mystérieux défaut que nous appelons «dislocations», qui gouvernent les propriétés opto-électriques ou mécaniques des matériaux.»

L'approche classique

La MET est une technique très puissante, qui peut offrir des vues à haute-résolution d'objets d'à peine quelques nanomètres – par exemple, un virus, ou un défaut dans un cristal. Toutefois, la MET ne fournit que des images en 2D, qui ne sont pas suffisantes pour identifier la morphologie 3D de l'échantillon, ce qui constitue souvent une limite à la recherche. Une manière de contourner ce problème consiste à acquérir des images successives durant la rotation de l'échantillon selon un arc d'inclinaison. Les images peuvent alors être reconstruites par l'ordinateur pour obtenir une représentation 3D de l'échantillon.

Le problème que pose cette approche est qu'elle exige une extrême précision sur des centaines d'images, ce qui est difficile à accomplir. Les images 3D ainsi générées sont susceptibles d'artefacts, qu'il est difficile d'éliminer après coup. Finalement, prendre de multiples images avec la MET exige que l'on envoie un faisceau d'électrons à travers l'échantillon à chaque fois, si bien que la dose totale peut véritablement affecter la structure de l'échantillon pendant l'acquisition, et donc produire une image fausse ou endommagée.

La nouvelle approche

Dans la méthode METS développée par les chercheurs, l'échantillon reste immobile tandis que le microscope envoie deux faisceaux d'électrons inclinés l'un contre l'autre, et deux détecteurs sont simultanément utilisés pour enregistrer le signal. Il en résulte un processus beaucoup plus rapide qu'avec la précédente technique d'imagerie 3D de la MET, et pratiquement sans artefacts.

L'équipe a également eu recours à un algorithme de traitement d'images sophistiqué, développé en collaboration avec le CVlab de Pascal Fua, pour réduire le nombre d'images nécessaires à la reconstruction 3D à seulement deux, prises selon des angles différents du faisceau d'électrons. Cela accroît l'efficacité de l'acquisition des données et la reconstruction 3D d'un ou deux ordres de magnitude, par rapport aux techniques de la MET traditionnelle. En même temps, cela empêche des modifications structurelles de l'échantillon consécutives à de hautes doses d'électrons.

En raison de sa rapidité et de son immunité aux problèmes que posent les méthodes standard de la MET, cette méthode d' «imagerie électronique 3D sans inclinaison» présente un grand avantage pour étudier des matériaux sensibles aux radiations, polycristallins, ou magnétiques. Et puisque la dose d'électrons est réduite à un seul scan, on s'attend à ce que cette méthode ouvre de nouvelles voies pour réaliser une imagerie électronique 3D en temps réel de matériel dynamique et de processus biologiques.

Financement

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Référence

Emad Oveisi, Antoine Letouzey, Duncan T.L. Alexander, Quentin Jeangros, Robin Schäublin, Guillaume Lucas, Pascal Fua, Cécile Hébert. Tilt-less 3-D electron imaging and reconstruction of complex curvilinear structures.Scientific Reports, 06 September 2017. DOI: 10.1038/s41598-017-07537-6