De la biomasse au biogaz: les algues ouvrent la voie rapide
Des chercheurs mettent au point une technologie susceptible de transformer la biomasse algale humide en biogaz compatible avec les infrastructures aujourd’hui dédiées au gaz naturel.
Le biogaz issu des microalgues devient une alternative de plus en plus prometteuse aux carburants fossiles. C’est ce que démontrent les chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (PSI) et de l’EPFL. Dans le cadre du projet SunCHem, ils ont développé un processus permettant de cultiver des microalgues et de les convertir efficacement en gaz naturel synthétique, un biocarburant totalement compatible avec notre réseau de gaz en pleine expansion. Cette technologie novatrice de conversion continue biomasse-biogaz a été présentée dans un article publié en ligne fin janvier par le journal Catalysis Today.
Alors que la nature a besoin de millions d’années pour transformer la biomasse en gaz naturel, ce système la tranforme en biogaz en une petite heure. Le secret de sa rapidité réside dans un procédé appelé la gazéification hydrothermale. L’eau riche en algues est d’abord chauffée sous pression, jusqu’à ce qu’elle atteigne un état liquide supercritique avoisinant 400 degrés Celsius. Elle est alors en mesure de dissoudre efficacement les matières organiques contenues dans la biomasse. Les sels inorganiques deviennent quant à eux moins solubles et sont récupérés sous la forme d’un concentré de substances nutritives. La solution résiduelle est ensuite gazéifiée à l’aide d’un catalyseur. Cette opération permet de séparer l’eau du CO2 et d’un biogaz riche en méthane.
Cette approche est encore cinq à sept fois trop chère pour faire concurrence au gaz naturel. Mais grâce à leurs nombreux avantages les microalgues ne sont pas aussi contestées que les autres sources de biocarburant. Elles peuvent notamment être cultivées dans des bassins de contention placés sur des terres non cultivables sans empiéter sur la production agricole de nourriture. Si elles ont besoin d’humidité, les algues ne sont par ailleurs pas difficiles. Selon les espèces, elles peuvent vivre en eau douce ou salée, et pourraient même être utilisées dans un futur proche pour traiter les eaux usées. Une étude publiée en 2013 estime qu’entre 1.8 et 5.8 unités énergétiques pourraient être produites pour chaque unité dédiée à générer du biogaz.
Le système entier est en outre capable de fonctionner en circuit fermé, ce qui économise ainsi les ressources, réduit les coûts et augmente l’efficacité générale du processus. «Certains nutriments, comme le phosphate, sont certes limités mais récupérables en gazéifiant la biomasse, explique Mariluz Bagnoud, co-responsable de cette publication. Leur réintroduction dans l’eau qui accueille les algues a des effets spectaculaires sur leur croissance.»
Les chercheurs ont démontré qu’il était possible de faire fonctionner le système en continu. Toutefois, ils ont également découvert que réinjecter l’eau et les nutriments en boucle sur de longues périodes provoquait une dégradation des performances du procédé . «Nous avons détecté la désactivation d’un catalyseur utilisé dans le processus de gazéification, décrit Mariluz Bagnoud. Nous nous attendons à l’accumulation de traces d’aluminium, dont la toxicité sur les microalgues dépend du pH. En milieu neutre, ses effets néfastes peuvent être majoritairement éliminés. L’étape suivante consiste donc à affiner le processus afin d’accroître la longévité du catalyseur neutralisé par le soufre des microalgues».
Source:
Mariluz Bagnoud-Velásquez, Martin Brandenberger, Frédéric Vogel, Christian Ludwig; Continuous catalytic hydrothermal gasification of algal biomass and case study on toxicity of aluminum as a step toward effluents recycling; Catalysis Today, volume 223, 15 mars 2014