Dans l'espace aussi, c'est l'heure des solutions durables

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Débris en augmentation, avènement des compagnies privées, défis technologiques : le monde spatial est en pleine mutation. Pour faire face à ces évolutions, le centre spatial de l’EPFL eSpace se restructure autour d’une idée : penser logistique! Tour d’horizon à l’occasion de l’ouverture de la Semaine mondiale de l’espace.

Il est bien loin, le temps mythique où Américains et Soviétiques se battaient pour être les premiers dans l’espace, puis sur la Lune. Resté longtemps dans le sillage de cette épopée fondatrice, le monde du spatial connaît maintenant, avec notamment l’arrivée de nombreux nouveaux acteurs, une période de profonde mutation. Au centre spatial de l’EPFL eSpace, on ne veut pas rater ce tournant décisif et on le fait savoir à l’occasion de l’ouverture, aujourd’hui, de la Semaine mondiale de l’espace, qui a lieu chaque année au début octobre à l’initiative des Nations Unies.

Créé en 2014, eSpace s’agrandit et redéfinit l’axe de ses recherches, avec une nouvelle initiative nommée Logistique Spatiale Durable (en anglais Sustainable Space Logistics). Il ambitionne ainsi de devenir un centre de recherche d’excellence en matière d’organisation des moyens matériels et des données à disposition des activités spatiales, mais aussi d’infrastructures à développer pour les inscrire dans la continuité et la pérennité.

« Dans le domaine, on parle par exemple de plus en plus de retourner sur la Lune et d’y réaliser une base pérenne, relève Jean-Paul Kneib, directeur d’eSpace. Or, un tel projet demande de repenser tout ce qui est dans la catégorie des consommables - c’est-à-dire l’énergie, le carburant, l’eau, la nourriture, etc. - en termes de recyclage et de durabilité ».

Ces dernières années, l’accès à l’espace s’est considérablement élargi. De nombreux pays se sont joints à la liste des puissances spatiales et y jouent un rôle prépondérant et influent, tels que la Chine ou l’Inde. Surtout, envoyer des fusées ou des satellites n’est plus l’apanage des gouvernements. Des compagnies privées, à l’image de SpaceX ou de la start-up issue de l’EPFL Astrocast, s’y mettent également, amenant souvent une nouvelle énergie et des idées inédites.

En constellations

Résultat ? Des satellites toujours plus miniaturisés, compacts et connectés. Leur avenir se dessine désormais davantage en constellations, c’est-à-dire en groupes de plusieurs petits appareils - des cubesats par exemple - œuvrant pour une mission commune, avec l’avantage d’offrir un réseau robuste et couvrant, dans le même temps, une plus large partie du globe. Une évolution qui est notamment le fruit de l’avancée du secteur de l’internet of things - IOT.

« Tout va très vite ! Ces développements impressionnants nous font entrer dans la version 4.0 de la recherche spatiale », résume Muriel Richard, ingénieure à eSpace et spécialiste des questions liées aux débris spatiaux.

Les débris représentent également l’un des enjeux majeurs de notre temps. Depuis quelques années déjà, cette problématique définit la nouvelle manière dont l’exploration spatiale doit désormais être revisitée et montre à quel point travailler à des solutions durables devient nécessaire. Car l’accumulation, au cours de soixante années de lancements, de milliers d’objets de toutes sortes - allant de satellites hors d’usage à des éclats de peinture, en passant par des étages de fusées - pourrait, en raison d’un risque de collision de plus en plus élevé, compromettre toute activité future dans le proche environnement spatial de la Terre.

Nid de compétences

Or, l’EPFL a de sérieuses cartes à jouer dans ce nouveau paysage spatial. « En répertoriant, d’un côté, tous les acteurs du domaine et leurs besoins et, de l’autre, les compétences développées à l’Ecole, nous pouvons amener beaucoup de valeur ajoutée », relève Sonia Ben Hamida, chercheuse nouvellement engagée à eSpace.

Les activités et domaines qui pourraient bénéficier d’un tel support logistique sont nombreuses. Il s’agit des moyens de transport, mais aussi des questions de conditionnement, de stockage, de distribution, de localisation, de télécommunication, de navigation, de réparation, de réapprovisionnement, de fabrication et d’assemblage en milieu spatial, de forage, de présence humaine, de surveillance, de nettoyage et de recyclage, etc.

Avec ses nombreux laboratoires et start-up spécialisés dans les matériaux, la microtechnique, les systèmes électroniques, la robotique entre autres, l’EPFL offre des technologies qui, même lorsqu’elles n’ont pas été conçues à la base pour le spatial, peuvent s’avérer très utiles dans ce secteur. On pense notamment à des solutions de protection contre les radiations solaires et cosmiques, des systèmes de propulsion plus propres, des nouvelles générations de transport, des robots permettant d’attraper ou de déplacer des objets dans l’espace, sans oublier l’intelligence artificielle pour tout ce qui est système de vision, de repérage, de reconnaissance, d’orientation ou encore l’assemblage de structures…

Si les axes de recherche à privilégier feront l’objet de discussions et de concertations avec l’Agence spatiale européenne (ESA), le Swiss Space Office et différents autres acteurs, le centre spatial eSpace en appelle déjà à toutes les instances concernées en Suisse - industriels, scientifiques, étudiants - à se manifester.

Pour contacter cette nouvelle initiative de recherche du centre eSpace : [email protected]

Pour participer au concours d'écriture mis sur pied par le centre eSpace sur le thème de la logistique spatiale durable: https://www.epfl.ch/research/domains/epfl-space-center/sustainable-space-logistics-essay-competition-2019/