Comprendre le comportement des animaux sauvages pour les protéger

© Arpat Ozgul - Université de Zurich

© Arpat Ozgul - Université de Zurich

Des chercheurs de l’EPFL et de l’Université de Zurich ont développé un modèle permettant de comprendre plus précisément les activités des animaux, à partir de données récoltées par des capteurs portés par des suricates.

Grâce aux capteurs de plus en plus performants, les biologistes récoltent des données toujours plus précises et plus nombreuses sur le comportement des animaux. Par contre, il n’existe pas encore de méthode générale établie pour définir à quelles activités exactes correspondent les signaux. Pour un suricate par exemple, si le capteur enregistre une activité, cela peut signifier qu’il se déplace, mais aussi qu’il creuse pour chercher un scorpion – sa proie préférée. Une position statique peut indiquer le repos ou la vigilance.

Le Laboratoire de mesure et d’analyse des mouvements de la Faculté des Sciences et Techniques de l'Ingénieur de l’EPFL (LMAM) et le Population Ecology Research Group de l’Université de Zurich ont collaboré afin de développer un modèle permettant d’apporter une première réponse à ces questions. Cette recherche est menée au Kalahari Research Centre.

Étudier l’impact humain sur les animaux

« L’activité humaine a un impact de plus en plus important et rapide sur les comportements des animaux », explique Pritish Chakravarty, doctorant au LMAM. « En comprenant comment ils changent face aux stimuli externes, cela peut permettre de prendre des mesures plus adaptées pour les protéger ». Le chercheur indique par exemple qu’en connaissant les endroits particulièrement riches en nourriture pour les animaux, les autorités peuvent les définir comme zones protégées. « Mais cela implique de comprendre avec une grande précision quels signaux indiquent que l’animal est en quête de nourriture, et de les distinguer des signaux indiquant une autre activité ».

Un nouveau modèle basé sur les principes biomécaniques

Les scientifiques proposent un nouveau modèle basé sur des principes biomécaniques généraux, tels que la posture, la périodicité du mouvement et l’intensité. Il permet de reconnaître précisément des activités observées chez de nombreuses espèces, comme le repos, la vigilance, la course et la recherche de nourriture, à partir de signaux récoltés par un accéléromètre porté par l’animal. Ce capteur, capable d’enregistrer par exemple l'inclinaison, l'accélération, les vibrations et les chocs, a été adapté par les scientifiques du LMAM.

Ce modèle différencie tout d’abord les comportements dynamiques – recherche de nourriture et course – des comportements statiques – repos et vigilance –, en analysant l’intensité du mouvement et de la posture. Le modèle fait ensuite la distinction entre les deux activités statiques (repos et vigilance), grâce à la position du torse de l’animal. Finalement, les paramètres indiquant la périodicité et l’intensité des mouvements permettent de séparer la course de la recherche de nourriture.

Des données récoltées sur le terrain

Pour ce projet, des volontaires, présents à long terme au Centre de Recherche du Kalahari et formés à cette tâche, ont équipé 10 suricates d’un collier avec un capteur. Pour chaque animal, 3 heures de données ont été enregistrées. Durant cette période, les suricates ont également été filmés par les volontaires. Les chercheurs ont ensuite identifié et labellisé les activités étudiées sur les images filmées. Ils ont ensuite développé un modèle hybride combinant le Machine Learning (apprentissage automatique) et des principes biomécaniques pour « entraîner » l’ordinateur à reconnaître l’activité en question, directement à partir des données.

Ce modèle constitue une première étape dans la standardisation des modèles utilisés pour tirer de l’information comportementale à partir des signaux d’accélération récoltés sur des animaux. Selon les besoins des futures études, il pourra être amélioré pour apporter des informations encore plus précises et fines sur des comportements en particulier. « Pour la recherche de nourriture par exemple, on pourrait imaginer d’analyser également l’énergie dépensée », explique le doctorant. « Cela permettrait de voir si le suricate trouve facilement et rapidement de quoi manger ou s’il doit creuser plus longtemps, et définir ainsi l’intérêt du lieu pour son groupe.»

Le Kalahari Research Centre a été mis sur pied par l’Université de Cambridge en 1993. De nombreux projets et études y sont menés.

Financement

SNSF Interdisciplinary Research Funding Grant

Références

Chakravarty Pritish, Cozzi Gabriele, Ozgul Arpat, Aminian Kamiar. A Novel Biomechanical Approach for Animal Behaviour Recognition Using Accelerometers. Methods in Ecology and Evolution. 3 April 2019, 2019. DOI: 10.1111/2041-210X.13172

https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/2041-210X.13172