Comprendre la propagation de la maladie d'Alzheimer

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Les connexions entre neurones pourraient jouer un rôle dans la propagation des maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Afin de découvrir lequel, les chercheurs de l’EPFL ont développé une nouvelle méthode permettant de connecter in vitro des neurones sains et des neurones «malades».

Comment les maladies neurodégénératives telles qu'Alzheimer se propagent-t-elles dans un cerveau humain? Les connections entre les neurones jouent-elles un rôle précis dans l’évolution de ces maladies, ou les cellules les plus faibles succombent-elles simplement en premier? Face à ces questions clé encore peu étudiées dans le monde scientifique, Robert Meissner et Anja Kunze, chercheurs à l’EPFL, ont mis au point une nouvelle méthode permettant de connecter naturellement dans un dispositif à compartiments des neurones sains à des neurones «malades». De quoi permettre une étude approfondie de la propagation de la maladie à travers ces connexions.
«Dans le cas d’Alzheimer, la plupart des études scientifiques se focalisent sur les mécanismes biochimiques à l’intérieur des cellules, explique le professeur Renaud, directeur du Laboratoire de microsystèmes 4, où s’est déroulée cette expérience. Or cette maladie commence à un endroit très précis du cerveau- le système limbique-, pour se répandre ensuite dans différentes régions. Cela laisse à penser que les connexions entre les neurones jouent probablement un rôle dans la propagation.» La méthode a fait l’objet d’une publication dans Biotechnology and Bioengineering. Elle pourrait être également utilisée pour l’étude de la propagation d’autres maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson ou Creutzfeld-Jakob.

Des neurones isolés mais connectés
Les chercheurs sont parvenus à réaliser une culture co-pathologique de neurones grâce un système microfluidique à trois compartiments (voir schéma). C’est-à-dire qu’ils ont favorisé à l’aide de canaux microfluidiques d’une taille de 50 à 100 microns, l’interconnexion de plusieurs milliers de neurones, répartis dans deux compartiments. Neurones sains et malades peuvent donc se retrouver à la fois isolés et connectés.


Un acide qui rend malade
Pour rendre les neurones «malades», l’un des compartiments a été exposé à de l’acide okadaïque. Ce produit chimique conduit les cellules à se comporter de la même manière que si elles étaient atteintes de la maladie d’Alzheimer. Lorsqu’il entre en contact avec les neurones, cet acide provoque une hyperphosphorylation de la protéine Tau- caractéristique majeure de la maladie d’Alzheimer-, ce qui entraîne la destruction progressive des connexions et des neurones.
«Nous avons soumis les neurones à de grandes doses d’acide okadaïque, ce qui a provoqué leur mort dans les 24 à 48 heures. Il est toutefois tout à fait imaginable de réduire cette dose, et d’observer le résultat sur un laps de temps plus long», indique Anja Kunze, co-auteure de la publication. «Pour l’instant, nous avons remarqué que les cellules saines ont été contaminées après 24 heures. Mais des tests doivent encore être effectués avant de tirer des conclusions», ajoute-t-elle.

Une découverte à approfondir
Le nouvel outil suscite déjà l’intérêt des neuroscientifiques. «Le fait de pouvoir cibler très précisément la population de neurones que l’on veut rendre malade est vraiment intéressant, commente Patrick Fraering, neuroscientifique spécialiste de la maladie d’Alzheimer. Cette méthode permet d’effectuer de nombreux tests, également pour d’autres maladies neurodégénératives. On pourrait envisager de provoquer des effets parkinsoniens dans l’un des compartiments, par exemple, ou encore de perfuser les cellules déjà malades avec différents médicaments candidats.» De quoi acquérir une meilleure compréhension de la propagation de ces maladies, et augmenter les chances de pouvoir un jour contenir les dégâts faits dans le cerveau.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL