Bloquer le métabolisme des sucres ralentirait la croissance tumorale

Crédit : Liloon (Julie de Meyer)

Crédit : Liloon (Julie de Meyer)

Une nouvelle étude menée par l’EPFL suggère que les traitements bloquant deux protéines de transport du sucre pourraient contribuer à ralentir la croissance des tumeurs du poumon.

Image: Le "G" représente les transporteurs de glucose hautement exprimés Glut1 et Glut3 dans les adénocarcinomes pulmonaires. À gauche : la double délétion qui entrave la croissance des tumeurs du poumon. Crédit : Liloon (Julie de Meyer)

Publiée aujourd’hui dans la revue eLIfe, une nouvelle étude portant sur des cellules de souris et des cellules humaines suggère que bloquer une paire de protéines de transport du sucre pourrait constituer une approche thérapeutique intéressante pour les cancers du poumon.

Sachant que les cellules cancéreuses consomment de grandes quantités de sucre pour assurer leur croissance très rapide ainsi que leur dissémination, des scientifiques ont étudié l’opportunité de suspendre leur approvisionnement en sucre pour traiter des cancers. L’étude dont il est question ici suggère qu’il pourrait s’agir d’une approche efficace, à condition toutefois de bloquer simultanément de multiples voies d’alimentation cellulaire.

Il existe un groupe de protéines, les transporteurs de glucose, qui approvisionnent les cellules en sucre, ce qui fait d’elles une cible intéressante pour les thérapies visant à affamer les cellules cancéreuses. Cependant, les scientifiques ne savent pas comment y parvenir au mieux, ni si les cellules cancéreuses ainsi privées de sucre seraient alors capables de le remplacer par d’autres sources d’énergie.

« L’interruption de l’approvisionnement en sucre des tumeurs pulmonaires pourrait s’avérer être une stratégie thérapeutique efficace, mais on ignore à ce stade s’il convient de viser les transporteurs de glucose et, dans l’affirmative, lesquels », a déclaré un des auteurs principaux de l’étude, Caroline Contat, doctorante à l’Institut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer de l’EPFL à Lausanne.

Pour répondre à ces questions, Caroline Contat et ses collègues ont utilisé des souris génétiquement modifiées développant des tumeurs pulmonaires auxquelles il manquait soit un transporteur de glucose, le GLUT1, soit un transporteur de sucre, le GLUT3. L’équipe a constaté que les tumeurs se développaient avec la même vitesse chez les souris auxquelles il manquait le GLUT1 ou le GLUT3 que chez celles dont l’organisme possédait les deux transporteurs.

En revanche, les souris ayant des tumeurs pulmonaires auxquelles il manquait à la fois le GLUT1 et le GLUT3, développaient moins de tumeurs et survivaient plus longtemps. En utilisant une technologie de scintigraphie appelée « tomographie par émission de positons » (TEP) et en injectant aux souris du sucre radioactif, l’équipe a pu confirmer que les tumeurs consommaient moins de sucre. En outre, leur croissance était ralentie.

Enfin, l’équipe a supprimé le GLUT1 et le GLUT3 dans quatre lignées différentes de cellules de cancer du poumon humain cultivées en laboratoire, et la croissance de ces dernières a également été ralentie. Selon Caroline Contat, « ces expériences indiquent que la présence conjointe de GLUT1 et de GLUT3 serait nécessaire à la croissance du cancer du poumon. »

En menant à bien des études par imagerie à l’échelle nanométrique, l’équipe a également découvert que la majeure partie de la biomasse issue du sucre présente dans les cellules tumorales de poumons de souris s’accumulait dans des compartiments cellulaires, les corps lamellaires, et que ce stockage de carburant exigeait la présence de GLUT1.

« Il est certes nécessaire d’étudier plus avant ces compartiments de stockage du carburant situés dans les tumeurs, mais nos résultats suggèrent une nouvelle approche thérapeutique du cancer du poumon, axée sur une suppression de l’approvisionnement énergétique des tumeurs », souligne Etienne Meylan, auteur principal de l’étude et professeur-assistant à l’Institut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer de l’EPFL. « Des traitements capables de bloquer simultanément le GLUT1 et le GLUT3 seront notamment nécessaires pour contribuer à stopper la croissance des tumeurs pulmonaires. »

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Références

Caroline Contat, Pierre-Benoit Ancey, Nadine Zangger, Silvia Sabatino, Justine Pascual, Stéphane Escrig, Louise Jensen, Christine Goepfert, Bernard Lanz, Mario Lepore, Rolf Gruetter, Anouk Rossier, Sabina Berezowska, Christina Neppl, Inti Zlobec, Stéphanie Clerc-Rosset, Graham Knott, Jeffrey C. Rathmell, E. Dale Abel, Anders Meibom, Etienne Meylan. Combined deletion of Glut1 and Glut3 impairs lung adenocarcinoma growth. eLife 23 June 2020. DOI: 10.7554/eLife.53618