Avec ou sans chauffeur, des véhicules réussissent à coopérer

Guillaume Jornod et le prof. Alcherio Martinoli. © Alain Herzog/EPFL

Guillaume Jornod et le prof. Alcherio Martinoli. © Alain Herzog/EPFL

Des chercheurs de l’EPFL ont permis à des véhicules, avec et sans chauffeur, de circuler ensemble. Une étape cruciale pour la transition vers la conduite autonome à l’horizon 2030.


Pas de doute: un jour nos voitures conduiront toutes seules. Mais comment faire la transition entre quelques véhicules autonomes et connectés aujourd’hui et un véritable système intelligent plus sûr, plus confortable, plus fluide et plus durable dans 15 ans? En mariant les technologies d’aide à la conduite et la communication entre véhicules, répondent les chercheurs réunis au sein du projet européen AutoNet2030. Ils viennent de prouver qu’il était possible de faire circuler, en conditions réelles, des véhicules avec et sans chauffeur sur plusieurs voies à grande vitesse de manière autonome. Une étape cruciale pour gérer la phase de transition déjà entamée. La contribution de l’EPFL a consisté à concevoir l’algorithme de contrôle du convoi de véhicules.

Grâce au protocole de communication, basé sur le Wi-Fi, entre véhicules, ces derniers sont aujourd’hui capables de communiquer avec leurs semblables. Parallèlement, les multiples aides à la conduite utilisant GPS, lasers, cameras et autres capteurs, permettent à une voiture de se déplacer de manière complètement autonome. Pour autant, il faudra encore une quinzaine d’années avant que l’essentiel du parc roulant soit doté de ces atouts qui nous promettent un avenir sans chauffeur.

Coopération et indépendance

Comment donc faire cohabiter ces prochaines années les engins classiques avec les bijoux scintillants des technologies dernier cri? Une des options étudiées aujourd’hui est de faire circuler les véhicules en convois. Par exemple, un camion avec chauffeur mène à la queue leu-leu des semi-remorques autonomes et connectés qui roulent à vitesse et à distance égales. Des tests ont déjà été réalisés avec succès sur des centaines de kilomètres en Australie. Le problème est que ce type de convoi se comporte comme un bloc exclusif et qu’au-delà d’un certain nombre de véhicules, il devient de plus en plus compliqué à gérer.

Les chercheurs d’AutoNet2030 proposent une autre formule: un système coopératif et décentralisé. Exit le chef. Chaque véhicule connecté communique avec ses proches voisins. Il calibre ainsi sa position et règle sa vitesse de manière indépendante. Le convoi peut ainsi aisément rouler sur une, deux ou davantage de voies sur une autoroute, intégrer un véhicule qui y entre et se repositionner en conséquence. Mieux, chaque véhicule bénéficie des «yeux» de ses voisins et dispose ainsi d’une perception à 360 degrés. En outre, le nombre de véhicules qui composent le convoi n’est théoriquement pas limité puisque chaque élément se positionne de façon autonome.

Un comportement complexe avec des unités simples

La gestion du convoi repose sur un logiciel de contrôle, un algorithme développé par le Laboratoire de systèmes et algorithmes intelligents distribués (DISAL) de l’EPFL. «Nous travaillons depuis une dizaine d’années sur ce type d’algorithme de contrôle distribué. Schématiquement, l’idée est de faire coopérer des agents (robots ou voitures) individuellement pas forcément très malins afin d’obtenir un comportement général complexe», explique Alcherio Martinoli, directeur du DISAL. Mathématiquement, cela veut dire que l’algorithme intègre les informations fournies par les capteurs des agents et règle, en temps réel, l’évolution du convoi en conséquence. Le convoi se réorganise sans cesse automatiquement en fonction d’un départ ou d’une nouvelle arrivée, des changements de voie ou du respect d’une vitesse prédéfinie. Les chercheurs du DISAL ont commencé par gérer ainsi des robots sur simulateurs, puis de vrais robots, puis des voitures sur simulateur et enfin… de vrais véhicules sur route dans le cadre du projet AutoNet2030.

La démonstration finale a eu lieu fin octobre en Suède, sur le circuit d’essai routier AstaZero. Trois véhicules ont joué le jeu: un camion sans chauffeur, une voiture autonome et une voiture manuelle, un enjeu majeur du projet. Les chercheurs ont équipé cette dernière de capteurs tels que GPS et lasers ainsi que d’une interface homme-machine permettant au conducteur de suivre les indications afin de se fondre dans le convoi.

Une première démonstration

«Même si ce n’est pas très spectaculaire avec trois véhicules, nous avons pour la première fois pu démontrer ce que nous avions validé par simulation. Et le nombre de véhicules en convoi n’influence pas la complexité du contrôle», se réjouit Alcherio Martinoli. Et maintenant? «C’est une preuve de concept, rappelle Guillaume Jornod, collaborateur scientifique qui a mené les essais. Mais on peut espérer que sous la pression de la demande, les constructeurs développent des solutions de moins en moins chères pour équiper les véhicules traditionnels, qu’ils se coordonnent avec les acteurs de l'Internet des choses et que l’on puisse déployer et perfectionner ce système de convoi multivoie pour véhicules hétérogènes.»

Outre l'EPFL, le projet AutoNet2030 concernait: l'Institut des Systèmes Informatiques et de Communication (Grèce, coordinateur), Broadbit (Hongrie), Baselabs (Allemagne), Centro Ricerche Fiat (Italie), ARMINES - Mines ParisTech - INRIA (France), Scania (Suède), Hitachi Europe et Technische Universitaet Dresden (Allemagne). Ce projet a bénéficié d'un financement du 7e Programme-cadre de recherche, de développement technologique et de démonstration de l'Union européenn,e au titre de l'accord de subvention no 610542.