A la base de la vie: comment les centrosomes polarisent l'embryon

Sarah Herrman au laboratoire © Murielle Gerber/EPFL

Sarah Herrman au laboratoire © Murielle Gerber/EPFL

Séries d'été. En provenance de l'Université de Californie à Santa Cruz, Sarah Herrman séjourne au laboratoire de Pierre Gönczy à l'EPFL. Son projet étudie la manière dont les centrosomes de la cellule aident à organiser la polarité et le fonctionnement de l'embryon en développement.

Les centrosomes sont des organelles cellulaires que l'on connaît surtout pour leur implication dans la division des cellules. Chaque centrosome est constitué de deux petits tubes disposés perpendiculairement, nommés centrioles. Chaque centriole est constitué de neufs ensembles de microtubes.

Lorsque la division cellulaire commence, deux centrosomes se forment à chaque pôle de la cellule et se mettent à assembler un fuseau de fibres qui finalement divisera le matériel génétique de la cellule (par exemple ses chromosomes), fournissant un ensemble à chacune des deux cellules-filles.

Mais de la même manière que le Pôle Nord diffère du Pôle Sud, des régions différentes de la cellule peuvent avoir des aspects différents. C'est ce que l'on nomme la «polarité cellulaire», et elle est essentielle pour conférer aux cellules leurs identités uniques. Dans les embryons en développement, par exemple, la polarité cellulaire dicte au final où la tête de l'organisme sera située. Cela signifie que les cellules de l'embryon précoce se divisent de manière asymétrique, avec certaines protéines situées ou produites irrégulièrement en leur sein.

«Dans mon projet, nous cherchons la polarisation cellulaire, qui est le premier élément permettant aux embryons monocellulaires de C. elegans de se transformer en organismes complets et fonctionnels. Il existe des données qui montrent que le centrosome est impliqué d'une certaine manière dans l'établissement d'un axe de polarité», dit Sarah Herrman, en référence à la direction selon laquelle une cellule va se polariser.

Pour ce faire, elle utilise le ver rond C. elegans comme organisme modèle – un outil populaire parmi les biologistes. «C. elegans est hermaphrodite, ce qui signifie qu'il produit à la fois du sperme et des œufs», dit-elle. «Tout de suite après la fertilisation, il produit un embryon monocellulaire symétrique, avec tous ses composants cellulaires répartis régulièrement.» Mais pour produire un organisme comportant différents types de cellules – nerfs, cellules intestinales, une lignée germinale – l'embryon a besoin d'une configuration asymétrique. Ce changement est connu sous le nom de «rupture de symétrie», et il est au centre de la recherche aussi bien fondamentale que médicale.

«Nous ne savons pas exactement ce qui, dans le centrosome, le rend important pour la rupture de symétrie elle-même, et c'est donc ce que mon projet vise à éclaircir», dit Herrman. Plus spécifiquement, elle s'intéresse à l'impact des centrosomes sur diverses protéines qui jouent un rôle clé dans la polarisation de nombreux types de cellules et d'organismes différents, y compris l'être humain. Ces protéines comprennent un groupe bien connu de six protéines PAR («proteine-defective») qui sont nécessaire à la première division cellulaire asymétrique du zygote C. elegans.

«Ce que je fais consiste à inactiver la fonction de différentes protéines chez C. elegans et à analyser la manière dont cela affecte les centrosomes du ver – et par conséquent la polarité que normalement, elles contrôlent». Herrman pratique cette inactivation avec l'une ou l'autre de ces deux méthodes: «Des vers C. elegans porteurs d'une mutation génétique qui empêche le fonctionnement normal de la protéine, et l'interférence ARN (RNAi), une technique couronnée par un Nobel qui cible l'ARNm pour la dégradation en exploitant la machinerie de contrôle des gènes naturelle de la cellule.

«Les mutants peuvent être meilleurs, parce que vous savez vraiment que le gène est inactivé», dit Herrman. Mais cela ne signifie pas qu'ils n'aient pas de limitations: «Certaines mutations ne sont pas compatibles avec la vie adulte, et donc nous ne pouvons pas analyser leurs embryons.»

L’interférence ARN offre un moyen pour contourner ces cas en inactivant l'expression de gènes spécifiques pendant l'ovogenèse et la spermatogenèse. Cela permet à Herrman d'observer les effets sur les centrosomes de l'embryon résultant et sa capacité à se polariser. «Toutefois, avec cette technique vous n'obtenez pas nécessairement une inactivation complète, aussi les deux approches sont-elles complémentaires.»

Les embryons de vers sont également marqués avec des protéines fluorescentes qui permettent l'observation de la polarisation des cellules. «Nous fixons des marques fluorescentes sur les protéines PAR aussi bien que sur d'autres protéines impliquées dans la polarisation des cellules, qui nous permettent de visualiser les centrioles et le domaine PAR postérieur», dit Herrman, en référence à une aire de l'embryon de C. elegans qui se polarise. «Nous utilisons aussi des marquages qui nous permettent de voir les contractions corticales sur la surface de la cellule qui déplacent les protéines vers l'extrémité antérieure.»

Que réserve l'avenir à Sarah Herrman ? «Je veux aller en faculté de médecine», dit-elle. «J'aurai peut-être la chance de décrocher un doctorat en médecine, mais je suis plutôt intéressée par le côté clinique. Je crois que la recherche est une chose que tous les médecins devraient pratiquer, parce que si vous ne comprenez pas la recherche en cours dans le domaine médical, vous ne serez pas aussi compétent dans votre pratique».

«Je pense qu'il est vraiment important de faire de la recherche biologique de base, parce qu'elle implique les fondamentaux de toute vie», conclut-elle. «Elle vous permet de comprendre ce qui se passe normalement dans la cellule, et à partir de là, vous pouvez développer plus largement des applications.»

Sarah Herrman a réalisé ses recherches dans le cadre du Summer Research Program, un programme annuel pour les étudiants internationaux de premier cycle dirigé par l'École des sciences de la vie de l'EPFL.



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© Murielle Gerber/EPFL
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