Valais : pourquoi le canton investit des millions dans l'innovation?

© 2019 Le Nouvelliste DR

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Ce matin, le Grand Conseil débloquera un crédit de 89 millions pour soutenir l’innovation dans le canton. Une manne qui se répartira entre BioArk et les différents sites sédunois de l’EPFL Valais Wallis. Si le monde politique soutient massivement ce crédit, certaines associations professionnelles dénoncent une inégalité de traitement entre les acteurs subventionnés et les autres entreprises.

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Ce jeudi, le Grand Conseil allouera 89 millions de francs à différents projets liés à l’innovation. Les partis politiques soutiennent unanimement cette stratégie, contrairement à certaines associations professionnelles qui évoquent une inégalité de traitement.

D’ordinaire, des montants inférieurs suscitent davantage de chamailleries. Ce jeudi matin, le Grand Conseil acceptera sans difficulté de débourser 89 millions de francs pour divers projets liés à l’innovation. Convaincus du bien-fondé de ces investissements, tous les groupes politiques ont salué la stratégie du Conseil d’Etat, mardi lors du vote d’entrée en matière.

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300 millions au total

Ministre de l’économie et de la formation, Christophe Darbellay s’en réjouit, tout en reconnaissant que la somme est «colossale pour le Valais». A terme, et à coups de crédits successifs, le canton aura dépensé ou prêté 300 millions de francs dans l’«écosystème» gravitant autour de l’EPFL Valais Wallis et sa recherche fondamentale, ainsi que de la HES et sa recherche appliquée. Montant qui s’ajoute aux millions puisés chaque année dans le budget de 3,5 milliards du canton, pour participer aux charges de fonctionnement des deux institutions.

Ce pari sur l’avenir est nécessaire pour mettre en place les conditions-cadres du Valais du XXIe siècle.
Christophe Darbellay, ministre chargé de l’économie et de la formation

Comment expliquer une si belle unanimité pour des dépenses aussi massives? Pour Christophe Darbellay, le monde politique a compris que ce «pari sur l’avenir» est nécessaire «pour mettre en place les conditions-cadres du Valais du XXIe siècle.» Un Valais, qui a choisi en 2011, de se hisser à la pointe de l’énergie, de l’environnement et de la santé.

Les députés ont notamment été sensibles aux premiers indicateurs du campus Energypolis. A Sion, l’EPFL Valais Wallis emploie aujourd’hui 225 personnes, soit 75 de plus qu’annoncés initialement. Demain, elle en salariera 400, au travers de 17 chaires, soit six de plus que prévues. Celles-ci seront réparties entre le quartier sous-gare, le site de l’hôpital du Valais (Pôle santé), l’ancien centre d’impression des Ronquoz (Pôle de recherche sur l’environnement alpin et polaire), et un lieu encore à définir (Parc de l’innovation).

Bonne émulation autour de The Ark

Cette activité engendre des retombées financières concrètes, puisque les écoles, les start-up et les employés consomment des biens et des services. Ils font ainsi tourner des sociétés et des indépendants de tous secteurs. Les salariés génèrent aussi des rentrées fiscales, contrairement aux instituts de recherche et de la plupart des start-up, qui ne réalisent pas de bénéfices pendant longtemps.

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Par ailleurs, les partisans d’Energypolis espèrent que les technologies développées par les acteurs de la recherche servent aux PME locales. En collaborant efficacement avec les laboratoires, celles-ci seraient déchargées de certains coûts de recherche et de développement.

400
employés devraient être salariés par l’EPFL à l’horizon 2021

Séduisante sur le papier, cette «chaîne de valeur» fonctionne-t-elle en pratique? Les fédérations d’entreprises privées que nous avons contactées estiment qu’il est encore un peu tôt pour le dire, mais se montrent optimistes. «L’économie valaisanne a tout à gagner d’une culture de l’innovation», formule le président de la Chambre valaisanne de commerce et d’industrie, Jean-Albert Ferrez. «On constate par exemple une bonne émulation autour des différents incubateurs de The Ark». La fédération des entreprises valaisannes, l’Union des arts et métiers et Valais excellence approuvent également la stratégie poursuivie, dans des domaines qui font sens pour le Valais.

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Politique dirigiste dénoncée

D’autres associations se montrent moins enthousiastes. Considérant que «l’Etat n’est pas le meilleur investisseur», le président de l’union des indépendants (UDI), Jérôme Monnat dénonce «une politique dirigiste du canton dans une économie encore fictive.» Il estime problématiques les aides à fonds perdu dans des projets de recherche. «On devrait favoriser l’initiative privée des entreprises existantes, qui ont aussi besoin d’investir.»

On devrait plutôt favoriser l’initiative privée des entreprises existantes, qui ont aussi besoin d’investir.
Jérôme Monnat, président de l’Union valaisanne des indépendants

Président d’Avenir industrie Valais Wallis, Eric Balet constate, lui aussi, «deux poids, deux mesures entre les branches subventionnées et les autres.» Il ne critique pas les montants investis, à condition que ceux-ci débouchent sur de l’industrialisation. «Une start-up qui ne produit pas de biens peut facilement être déplacée de Sion à Chicago. Pas une industrie.»

80% de taux de survie pour les start-up

Christophe Darbellay répond que les branches aidées comptent parmi celles qui produisent le plus de valeur ajoutée: +183% ces vingt dernières années pour les sciences de la vie, contre +24% pour le secteur secondaire en général. Il ajoute que les start-up accompagnées par The Ark ont un taux de survie à cinq ans de 80%, et admet que l’EPFL en a générées moins que la HES. Le parc de l’innovation aura pour mission de favoriser leur création, ainsi que d’attirer des cellules d’innovation de grandes entreprises nationales et internationales. «Le retour complet sur investissement interviendra d’ici dix à quinze ans.»