Une prothèse du genou intelligente pour diagnostiquer de l'intérieur
Développer des prothèses articulaires intelligentes qui, grâce à des capteurs, sont capables de détecter de manière précoce une défaillance, bien avant que le patient n’en souffre. Un défi sur lequel des chercheurs de l’EPFL se sont penchés.
Aujourd’hui, près de 4 millions de personnes dans le monde subissent une opération destinée à remplacer une articulation défectueuse. Dans les années à venir le nombre d’interventions au niveau du genou va être multiplié par sept. Les chercheurs de l’EPFL ont développé des capteurs qui, intégrés à la partie polyéthylène de la prothèse, permettent d’effectuer un diagnostic de l’intérieur, d’améliorer les traitements médicaux et par conséquent, d’aider les patients en leur évitant, dans certains cas, une nouvelle opération.
Les causes de ce boum chirurgical sont principalement le développement des sports de loisir, qui affectent notamment le genou et finissent par provoquer de l’arthrose, ou l’obésité, un sport en soi pour l’articulation qui doit supporter le surpoids. Il y a enfin les personnes dont le cartilage présente des lésions. La grande difficulté pour le médecin une fois l’arthroplastie effectuée, la prothèse posée et le champ opératoire refermé, c’est qu’il n’a comme "feedback" que l’appréciation qualitative et subjective du patient. Si la prothèse est mal alignée ou si elle se descelle, ce qui se produit dans environ 20% des cas, cela provoque des douleurs importantes, qu’il est très difficile de quantifier.
Arash Arami, du Laboratoire de mesure et d’analyse des mouvements (LMAM), a consacré une partie de sa thèse à la question du descellement de la prothèse. Il a choisi le genou, car c’est une articulation complexe et souvent blessée. Grâce à un algorithme qu’il a développé, il a pu calculer précisément les micromouvements de la prothèse et détecter, via les vibrations, son descellement. Il a ensuite, à l’aide de capteurs implantés dans une prothèse installée sur un simulateur mécanique du genou, pu démontrer comment celle-ci réagit aux forces qu’elle subit.
Brigitte Jolles-Haeberli, en charge de l’unité de chirurgie prothétique du genou du CHUV et du Centre interinstitutionnel de Biomécanique Translationnelle de l’EPFL, a collaboré étroitement sur ce projet. «Même si l’on a posé correctement une prothèse, certaines personnes ressentent des douleurs persistantes. On se sent désarmé pour les aider concrètement sans avoir recours à des antidouleurs ou à la physiothérapie.» Car, s’il est possible de constater les problèmes de descellement ou d’alignement – avec une radiographie couplée à une scintigraphie osseuse – les médecins n’ont encore aucun moyen d’en détecter la cause. «Grâce aux informations de ces prothèses, nous pourrions faire de la prévention et explorer d’autres pistes de rééducation de la marche sans avoir besoin forcément de recourir à une nouvelle chirurgie.»
Cinq laboratoires de l’EPFL se sont associés dans un projet financé par Nano-Tera. Pour aider l’industrie à intégrer les nouveaux outils dans des prothèses intelligentes, il a été décidé de poser ces capteurs dans la partie intermédiaire soit l’insert en polyéthylène. Cette matière est commune dans toutes les prothèses de genou, quel que soit le fabricant.
«On peut imaginer que tous ces inserts ont plus ou moins la même forme, donc le même volume. Si on arrive à instrumenter cette partie-là sans toucher la partie fémorale ou tibiale, ce sera plus simple pour l’industrie de l’implémenter. Mais cela ne se fera pas tout de suite car nous devons démontrer que ces capteurs représentent un réel bénéfice, tant pour le patient que pour son médecin ou l’industrie », conclu Kamiar Aminian qui dirige le LMAM.