Une méthode inédite pour sonder les nanoparticules

© 2011 EPFL

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Mesurer très précisément le poids moléculaire, la taille et la densité d’une nanoparticule grâce à un seul procédé. C’est désormais possible, grâce à une méthode d’ultracentrifugation, sortie du placard par les chercheurs de l’EPFL.

Utilisées dans des domaines de recherche aussi variés que la médecine, l’énergie solaire ou la photonique, les nanoparticules n’ont pas encore révélé tous leurs secrets. Leur caractérisation complète- masse, taille, et densité- reste un exercice extrêmement complexe, qui tend à freiner la recherche dans ce domaine. Une lacune que Francesco Stellacci –titulaire de la chaire Constellium- et Randy Carney, du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces (SUNMIL), semblent près de combler. Dans une publication récente (Nature Communications), ils ont en effet démontré qu’il était possible d’obtenir la carte d’identité complète d’une nanoparticule, en utilisant une centrifugeuse à très haute vitesse, dont la fonction est de séparer les particules d’un liquide. Vieille de 100 ans, cette méthode, appelée dans le jargon « l’ultracentrifugation analytique », a jusqu’ici été utilisée en biologie pour étudier la taille et la masse des protéines, notamment. C’est en l’appliquant à leur domaine de recherches, que les scientifiques de l’EPFL se sont rendu compte du parti qu’ils pouvaient en tirer.

Le cœur et l’écorce

Les nanoparticules d’or utilisées pour effectuer ces tests ont une structure particulière : elles sont composées d’un cœur, qui est dur, et d’une écorce, qui est molle (Cf. image).Jusqu’à présent, le fait d’analyser l’ensemble des paramètres qui caractérisent le cœur, ainsi que ceux qui caractérisent l’écorce en une seule opération relevait du véritable challenge. L’une des raisons : dans un même échantillon, chacune des nanoparticules comporte des caractéristiques différentes (taille, masse, poids, etc…). Elles sont donc dites « polydisperse ». « Actuellement, les chercheurs disposent de bonnes techniques pour caractériser le cœur des nanoparticules. Or il faut passer par 5 ou 6 procédés très complexes pour arriver à une caractérisation totale, indique Randy Carney. En nous intéressant à l’ultracentrifugation analytique, nous avons découvert une méthode qui permet d’obtenir un résultat en quelques heures et à travers un seul procédé. »

Comment ça marche?
Techniquement, le concept est le suivant : il s’agit tout d’abord de diluer des nanoparticules dans une solution, puis d’insérer le tout dans une ultracentrifugeuse analytique, soit une centrifugeuse dotée d’un système optique de détection, qui permet l’analyse du comportement des nanoparticules. Il est ensuite possible, grâce à un processus informatique, d’en tirer ce que l’on appelle le coefficient de sédimentation. « Lorsqu’on les fait tourner très rapidement, les nanoparticules se séparent du mélange à différents moments selon leur densité, explique Randy Carney. Les particules les plus grosses se sépareront ainsi plus vite du liquide, notamment. Cette observation nous donne une indication sur le poids de la particule, ainsi que sur son diamètre.»
En parallèle, les chercheurs s’attachent à une autre indication- habituellement ignorée dans la plupart des études-, qui se nomme le coefficient de diffusion des particules, c’est-à-dire la façon dont elles se répandent dans le liquide. « Un phénomène que l’on peut comparer à la répartition d’une goutte d’encre dans de l’eau et qui se produit même si le solvant est immobile», commente Randy Carney.

Utile pour l’industrie

Mises en rapport, la façon dont les nanoparticules se séparent, ainsi que la façon dont elles se diffusent dans un liquide permettent d’obtenir une caractérisation très précise du cœur et de l’écorce des nanoparticules, c’est-à-dire leur taille, leur poids, leur forme et leur composition. Des informations extrêmement importantes, lorsque l’on sait que Les propriétés des nanoparticules (chimiques, électroniques, magnétique, etc.) dépendent de tous ces paramètres.
Pour l’heure, la méthode ne fonctionne que pour les nanoparticules sphériques. Elle devrait cependant intéresser tous les chercheurs actifs dans les nanotechnologies, qui peuvent s’en servir pour d’autres nanoparticules, moyennant des analyses supplémentaires. « Le domaine de l’industrie et celui des applications biologiques cherchent justement un moyen rapide de caractériser les nanoparticules. Cette méthode pourrait leur être extrêmement utile», conclut Francesco Stellacci.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL