Une météorite martienne contiendrait des traces d'activité biologique
La planète rouge héberge-t-elle ou a-t-elle hébergé des formes de vie? Les entrailles d’une météorite martienne relancent le débat. Une étude internationale, à laquelle a participé l’EPFL, publie ses conclusions aujourd’hui dans Meteoritics and Planetary Sciences.
«Jusqu’ici, aucune autre explication ne nous convainc davantage.» Philippe Gillet, directeur du Laboratoire des sciences de la Terre et des planètes de l’EPFL, et ses collègues d’une équipe internationale (Chine, Japon et Allemagne), ont analysé minutieusement des traces de carbone trouvées à l’intérieur d’une météorite martienne. Leurs résultats plaident pour une origine biologique de ces inclusions. Celles-ci feraient suite à l’infiltration d’un liquide riche en matière organique dans les fissures de la roche lorsque celle-ci était encore sur la Planète rouge. L’étude est publiée dans l'édition de décembre de Meteoritics and Planetary Sciences.
Ejectée de Mars par l’impact d’un astéroïde, la roche martienne a fini sa course sur la Terre. Tombée dans le désert du Maroc le 18 juillet 2011, sous les yeux de plusieurs témoins, la météorite Tissint présente des cavités remplies de matière carbonée. Plusieurs équipes de recherche ont d’ores et déjà pu démontrer que la météorite venait de Mars et que ce composant était de nature organique. Le débat fait rage, toutefois, sur l’origine de ce carbone.
Le carbone ne vient pas de la Terre, et son origine pourrait être biologique
Des analyses chimiques, microscopiques et isotopiques de cette matière carbonée ont conduit les chercheurs à plusieurs conclusions. Ils ont pu clairement exclure une éventuelle origine terrestre pour la matière organique, en montrant notamment que ces inclusions avaient été piégées dans la météorite avant qu’elle ne soit éjectée de Mars en direction de la Terre.
Mais surtout, les chercheurs ont remis en cause des conclusions antérieures (Steele et al., Science, 2012), qui expliquaient que le composé organique pouvait provenir de la cristallisation à très haute température d’un magma. Or, selon ce travail, il est plus probable que cette matière, de type kérogène, ait été déposée à basse température dans ces fissures près de la surface de Mars, par infiltration d’un liquide riche en composés organiques. Un phénomène qui s’est produit dans les couches superficielles de la planète rouge.
Ces conclusions sont étayées par plusieurs propriétés de la matière carbonée présente dans la météorite. Par exemple, le taux particulièrement bas d’un isotope de carbone (13C). Cette dernière valeur est nettement inférieure au taux de 13C rencontré dans le CO2 de l’atmosphère martienne, mesuré par les sondes Phoenix et Curiosity. Or cette différence correspond très exactement à celle que l’on peut observer sur Terre entre un morceau de charbon, d’origine biologique, et le carbone de l’atmosphère. Les auteurs notent aussi que cette matière organique aurait pu être apportée sur Mars par la chute de météorites très primitives, les chondrites carbonées. Mais selon eux ce scénario est peu plausible à cause des faibles concentrations de matière organique dans ces dernières.
«Il est délicat d’asséner des certitudes, surtout dans un domaine aussi sensible, prévient Philippe Gillet. Je suis ouvert à ce que d’autres études viennent nous contredire. Mais nos conclusions sont toutefois de nature à relancer activement le débat consacré à l’existence possible d’une activité biologique sur Mars, du moins dans le passé.»
Source : Lin Yangtin et al., Nanosims Analysis Of Organic Carbon From The Tissint Martian Meteorite : Evidence For The Past Existence Of Subsurface Organic-Bearing Fluids On Mars, Meteoritics and Planetary Sciences, December 2014, DOI : 10.1111/maps.12389