Une découverte permet de dévier la course du son

Creative common (c) 1LB

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Un dispositif développé par des chercheurs de l’EPFL, basé sur le phénomène de réfraction négative du son, pourrait permettre de modifier la trajectoire des ondes sonores et de leur faire contourner des obstacles physiques.

Grâce à cette invention, le son émis par un haut-parleur contournerait des piliers dans une cathédrale et parviendrait intact aux auditeurs placés dans leur ombre; le bruit des réacteurs d’avions serait dévié vers le ciel plutôt que vers le sol; certains véhicules deviendraient également indétectables aux sonars…

Des chercheurs du Laboratoire d’électromagnétisme et d’acoustique de l’EPFL sont parvenus à créer un dispositif mettant en pratique le principe de la réfraction négative dans le domaine de l’acoustique, en transposant dans ce domaine de récents travaux menés en électromagnétisme, et qui pourrait bien un jour faire en sorte que les objets n’agissent plus comme des obstacles au son.

«Même s’il n’en est encore qu’au stade des premiers essais expérimentaux, l’étude du phénomène est devenue un sujet-phare dans le domaine acoustique depuis trois ou quatre ans», décrit Hervé Lissek, chercheur et co-auteur d’un article récemment publié dans la revue Physical Review B*.

Bien connu en optique, le phénomène de réfraction s’illustre par la déviation d’un rayon lumineux au passage d’une discontinuité dans le milieu de propagation. C’est elle qui explique qu’une paille plongée dans un verre d’eau apparaisse brisée à l’endroit où elle pénètre dans le liquide, la trajectoire de la lumière étant déviée lorsqu'elle passe d'un milieu (l’air) à l’autre (l’eau). La réfraction est également à l’origine des mirages ou des arcs-en-ciel.

«Couler» autour d’un objet

La réfraction négative ne se trouve pas à l’état naturel. Elle peut être produite à l’aide de structures artificielles appelées métamatériaux, qui présenteraient ainsi la caractéristique de courber davantage, voire d’inverser la course des ondes lumineuses, pouvant même, théoriquement, les faire «couler» autour d’un objet. Certains scientifiques pensent que ce phénomène pourrait être un jour utilisé pour rendre des objets invisibles ou transparents, à la manière de la cape d’Harry Potter.

Pour la première fois, les scientifiques de l’EPFL ont réussi à démontrer la possibilité d’obtenir de la réfraction négative dans le domaine de l’acoustique avec un dispositif concret, en se basant sur un travail de doctorat récent dans le domaine de l’électromagnétisme**. Le son se définit par deux propriétés essentielles du fluide (milieu matériel) dans lequel il se propage: sa masse, mise en mouvement par une perturbation acoustique, dont l’accélération est normalement dirigée dans le sens des forces de pression acoustique (force d’inertie), et sa compressibilité, qui lui permet naturellement de s’opposer aux forces de pression acoustique (force de rappel).

Avec le dispositif qu’ils ont imaginé, les chercheurs de l’EPFL ont obtenu simultanément des valeurs négatives pour ces deux paramètres, c’est-à-dire à comprimer davantage la particule de fluide soumise à une surpression acoustique, et à obtenir que son accélération s’oppose aux forces de pression. Cette combinaison est un préalable pour obtenir de la réfraction négative, propriété qui a pu être observée dans un premier temps sur un modèle numérique de métamatériau acoustique. Des résultats similaires ont été observés dans un deuxième temps sur un prototype expérimental qui a permis de valider le concept théorique.

Même si l’on est encore loin d’une réalisation de «cape d’invisibilité» acoustique à proprement parler, ces résultats démontrent les performances d’un système physique réel présentant de la réfraction négative, et constituent un jalon important pour la recherche dans le domaine.

*«Acoustic transmission line metamaterial with negative/zero/positive refractive index», paru dans Physical Review B, de Frédéric Bongard, Hervé Lissek et Juan R. Mosig.

**«Contribution to characterization techniques for practical metamaterials and microwave applications», F. Bongard, PhD thesis, EPFL, Lausanne, 2009


Auteur: Sarah Perrin

Source: EPFL