Un transistor lumineux
Des scientifiques de l’EPFL inventent un transistor lumineux ouvrant la voie à de nombreuses applications selon un article à paraître dans la revue scientifique Science.
Un transistor basé uniquement sur la lumière, c’est l’invention de Tobias Kippenberg et son équipe du Laboratoire de Photonique et Mesure Quantique de l’EPFL et du Max Planck Institute of Quantum Optics. Il permet de contrôler le passage ou non d’un faisceau lumineux grâce à un deuxième faisceau lumineux. Une sorte d’interrupteur tout optique !
Contrôler et moduler des flux lumineux est un enjeu technologique essentiel dans notre société de communication actuelle. Les chercheurs du laboratoire de Photonique et Mesure Quantique dirigé par le Prof. Tobias Kippenberg ont découvert un nouveau principe, basé sur l’interaction entre la lumière (photons) et des vibrations mécaniques (phonons) permettant d’atteindre ce but. Dans ce concept, la transmission d’un rayon laser à travers un micro-résonateur en verre est directement contrôlée par un deuxième rayon laser, plus puissant. Le système, intégré sur une puce, agit comme un transistor optique : un faisceau lumineux peut influencer l’intensité d’un autre faisceau lumineux.
Ce nouveau principe, co-découvert par une équipe de scientifiques incluant les docteurs Albert Schliesser et Samuel Deléglise et les étudiants Stefan Weis et Rémi Rivière est basé sur les capacités optomécaniques d’un micro-résonateur. Le résonateur optomécanique joue un double rôle. D’une part, il est capable de capturer la lumière en la faisant circuler dans une cavité optique toroïdale . D’autre part, le résonateur a la capacité d’osciller avec une fréquence mécanique qui lui est propre, comme le verre de cristal qui vibre, voire éclate, au son de la cantatrice. Etant donné la structure microscopique du résonateur (une fraction de cheveu humain), la fréquence d’oscillation est 10 000 fois supérieure au verre de cristal.
En envoyant la lumière du laser dans le résonateur, les photons, qui s’accumulent, vont exercer une force de pression de radiation sur les bords de la cavité. Cette pression mécanique de la lumière est connue depuis le 19ème siècle. Elle s’observe notamment dans les comètes qui possèdent une queue créée par la pression de la lumière solaire. Dans notre résonateur, les photons exercent une pression suffisante pour provoquer une déformation mécanique de la cavité. Si deux lasers sont envoyés, leur interaction avec la vibration mécanique du résonateur permet de créer un interrupteur optique. Le laser de contrôle, puissant, permet de laisser passer, ou pas, le premier laser, exactement comme dans un transistor électronique.
« Nous savions depuis plus de deux ans que ce phénomène existe » explique le Docteur Schliesser qui l’avait prédit théoriquement. « Une fois que nous avons compris où regarder, le phénomène était là, limpide » complète Stefan Weis. Lors de mesures plus avancées « l’accord entre la théorie et l’expérience est parfait » commente le Docteur Samuel Deléglise.
Ce nouvel effet nommé OMIT (Optomechanical Induced Transparency) ouvre de nouvelles voies dans le domaine de la photonique. Les téléphones portables utilisent déjà la conversion d’ondes en vibrations mécaniques. Ceci permet un filtrage du signal particulièrement efficace. Avec cette découverte, on pourra désormais transformer un signal lumineux en vibration mécanique, ce qui pourrait mener à des innovations importantes dans les télécommunications. Il deviendrait par exemple possible de créer une mémoire tampon pour les lignes de communication optiques (on « stock » le signal plusieurs secondes dans la cavité et on le relâche lorsqu’on en a besoin).
Enfin, d’un point de vue plus fondamental, avec l’ensemble des groupes de recherche à travers le monde travaillant au contrôle des systèmes optomécaniques au niveau quantique, le couplage « commutable » démontré dans cette étude pourrait servir d’interface importante dans des systèmes quantiques hybrides.