Un réseau intelligent pour une meilleure gestion de l'eau
La start-up Droople, basée à l’EPFL, a développé une solution permettant de connaître et d’optimiser sa consommation en eau. Premier restaurant de l’EPFL à avoir bénéficié de cette expertise, le Montreux Jazz Café sait maintenant qu’il a un potentiel d’économie d’énergie.
Connaître précisément sa consommation d’eau, le débit, la température et les heures auxquelles l’eau est la plus utilisée, voilà quelques-unes des possibilités qu’offre le système proposé par Droople. Pour recueillir ces informations, la start-up a développé des compteurs intelligents à installer aux points de consommation d’eau. Ces précieuses données sont envoyées - via une communication basse fréquence et longue portée - et analysées sur une plateforme de gestion dans le Cloud. «Grâce à une série d’algorithmes, nous pouvons ensuite en extraire des informations utiles», indique Ramzi Bouzerda, CEO de Droople. Fondée en avril 2018, la start-up est basée à l’EPFL Innovation Park.
Une eau chaude revalorisée
Un restaurant du campus EPFL a récemment utilisé le système développé par Droople. «Je cherchais à savoir s’il était pertinent d’installer un récupérateur de chaleur sur les compresseurs de froid du Montreux Jazz Café situé dans le bâtiment Artlab», explique David Gremaud, chef de projet Énergies au Domaine immobilier et infrastructures (DII) de l’EPFL. En effet, réfrigérateurs et congélateurs fonctionnent via un processus exothermique. L’eau qui circule dans les compresseurs de froid de ces appareils sert à évacuer la chaleur. En principe, cette eau chaude finit dans les égouts, mais il est parfois pertinent d’utiliser un récupérateur de chaleur pour mettre en valeur cette énergie.
Placés sur les points de consommation d’eau, les compteurs intelligents de Droople enregistrent les données et les envoient sur une plateforme de gestion dans le Cloud. © 2019 EPFL / Alain Herzog
Des compteurs intelligents ont donc été installés sur les sorties d’eau des compresseurs de froid des congélateurs et réfrigérateurs du Montreux Jazz Café au printemps. Après deux semaines de récolte de données, il a été établi que débit et température étaient suffisamment élevés pour justifier l'installation d'un récupérateur de chaleur. «Économiquement, il n'est pas toujours pertinent de faire un tel investissement, mais dans ce cas-ci, nous avons estimé qu'il pourrait être justifié. Ce changement permettrait de valoriser cette chaleur perdue à hauteur de 4800kWh par an soit l’équivalent de 720 francs d’électricité. Cette somme représente approximativement les besoins en électricité pour la préparation de l’eau chaude du restaurant qui est estimée à 4000 kWh par an», précise Ramzi Bouzerda. Selon Droople, sachant qu’un récupérateur de chaleur coûte entre 1500 et 1800 francs environ, l’investissement devrait être rentabilisé d’ici deux ans et demi.
Donnant suite à ces recommandations, un récupérateur de chaleur va prochainement être mis en place. «Cette décision va dans les sens de la politique énergétique de l'EPFL et de l'exemplarité que nous nous sommes engagés à avoir, ajoute David Gremaud. Un deuxième restaurant, l’Esplanade dans le bâtiment CO, est actuellement en phase de monitoring. Et d’autres vont certainement suivre.»
Système de communication à basse fréquence
Selon David Gremaud, «à l'heure actuelle, il n'existe pas de solution technique toute faite sur le marché pour effectuer un monitoring des installations». Le système proposé par Droople pourrait donc être particulièrement utile aux chauffagistes et aux installateurs sanitaires notamment, pour monitorer et optimiser les processus existants. Il permet également une maintenance facilitée. «Nous pouvons prévoir quand les filtres des fontaines à eau ou des machines à café doivent être changés par exemple, explique Ramzi Bouzerda. Légalement, lorsqu’une quantité d’eau donnée a été consommée, ces filtres doivent être changés. Grâce à notre solution, nous pouvons déterminer quand la maintenance devra être effectuée, mais aussi optimiser l’itinéraire qu'il faudra emprunter pour intervenir sur ces différents appareils.» On pourrait imaginer le même type d’utilisation pour le nettoyage des toilettes de restaurants ou d'aéroport notamment.
Autre avantage, la faible consommation en énergie du système. Les compteurs fonctionnent avec des batteries et sont équipés d’un dispositif de communication de type LoRa – basse fréquence et longue portée. Seul une faible quantité de données est régulièrement envoyée ce qui permet de limiter la consommation en énergie. Un fonctionnement qui garantit une durée d’utilisation du compteur de l’ordre de trois à cinq ans sans maintenance.
L’idée de base du concept de Droople est apparue à son fondateur à trois heures du matin, alors qu’il s’acharnait à remplir le biberon de son fils de très exactement 300 millilitres d’eau. Fils de plombier, le diplômé d’informatique de l’EPFL imagine alors un moyen de connaître sa consommation en eau. Depuis, le concept a évolué et va continuer à le faire. «Nous voudrions implémenter les principes du fog computing à notre solution, continue-t-il. Faire que le compteur soit lui-même capable d'analyser les données qu'il récolte, et en temps réel. Cela permettrait par exemple de prévenir et réagir à une micro-fuite d'eau en fermant une vanne. Un projet de recherche est en cours de validation avec le laboratoire du Prof. David Atienza de l’EPFL.»