Un quartier de l'EPFL prêt à intégrer les énergies renouvelables

© Alain Herzog/2014 EPFL

© Alain Herzog/2014 EPFL

Un système de mesure complexe et performant permet de visualiser en temps réel les fluctuations du réseau électrique de tout un quartier de l'EPFL. Cette installation constitue un pas important vers le réseau intelligent du futur, qui intégrera les énergies renouvelables.

Imaginez une seconde qu'il soit possible de faire fonctionner un quartier, une ville ou même un pays tout entier uniquement avec de l'énergie solaire ou éolienne. Ce scénario requière une maîtrise quasi-parfaite de ce qui se passe dans nos réseaux électriques de distribution en temps réel. Il faut être capable de surveiller l'état du réseau, et de réagir très rapidement si des nuages passent au-dessus des panneaux solaires, ou encore si le vent tombe soudainement.

A l'EPFL, un système de mesures sophistiqué développé par Mario Paolone et Jean-Yves Le Boudec marque une avancée importante vers les réseaux intelligents (ou Smart Grids). Les chercheurs ont installé dans quatre bâtiments du campus des capteurs qui, reliés à un système de calcul automatique, permettent de déterminer l'état du réseau électrique pratiquement en temps réel. A l'image d'un patient dans un hôpital, chaque bâtiment voit ses paramètres scrutés, et ses données enregistrées en permanence. Seule différence, il ne s'agit pas là de rythme cardiaque ou de taux de globule rouge, mais bien de tension, de phase, d'amplitude et de fréquence locale.

Une première en termes d'efficacité
De par sa taille, sa complexité et sa précision, l'infrastructure mise en place à l'EPFL constitue une première. La nouveauté vient notamment de l'utilisation d'un nouveau type de capteurs appelés Phasor Measurement Units (PMU). Grâce à la synchronisation du temps effectuée par le GPS, ces capteurs mesurent des grandeurs électriques appelée synchrophaseurs. En somme, des mesures sont effectuées sur l'entier du réseau sur un temps synchronisé, et ensuite utilisées pour estimer l'état du réseau. Les PMUs développé à l'EPFL sont capables d'effectuer des mesures très rapides et d'établir une cartographie précise de ce qui se passe dans le système.
«Grâce à des techniques performantes d'acheminement des données, nous pouvons estimer l'état du réseau avec une latence de maximum 60 millisecondes, c'est-à-dire pratiquement en temps réel», commentent Mario Paolone et Jean-Yves le Boudec.
Un tel système de monitoring devrait permettre d'anticiper les pannes. Indomptables et intermittentes, les énergies renouvelables provoquent en effet beaucoup d'instabilité lorsqu'elles sont injectées dans un réseau, ce qui augmente le risque de blackout. «Dans un réseau intelligent, nous pouvons amortir ces fluctuations à l'aide de batteries, de super-condensateurs ou encore en utilisant un bâtiment comme une batterie virtuelle», explique Mario Paolone. «Mais nous avons besoin pour cela de savoir exactement ce qui se passe dans le réseau. Notre démonstrateur est donc un outil fondamental».

Une batterie de stockage
Le travail est toutefois loin d'être terminé. Le démonstrateur s'inscrit dans un projet bien plus vaste intitulé Smartgrid, qui vise à développer des réseaux intelligents complets, basés sur des systèmes innovants de contrôle, de communication et de stockage.
Dans ce contexte, l'EPFL s'est dotée récemment grâce au soutien de l'Etat de Vaud d'une batterie avancée Leclanché basée sur la technologie Lithium-Titanate, pouvant stocker jusqu'à 565 kWh, et conçue spécialement pour les réseaux. Connectée au Parc solaire Romande Energie- EPFL, elle permettra de stocker l'énergie produite abondamment en cas de grand soleil, puis de la distribuer très rapidement dans le réseau en fonction des pics de consommation, ou lorsque le soleil a cessé de briller.
« Notre système de surveillance servira entre autre à piloter cette batterie pour stabiliser le réseau et équilibrer les fluctuations journalières des renouvelables», indique Jean-Yves Le Boudec. Les chercheurs étudient également la possibilité d'utiliser un bâtiment entier comme une batterie virtuelle, c'est-à-dire qu'en cas de surplus d'énergie, le bâtiment pourra modifier sa consommation en électricité, en faisant varier ses paramètres de chauffage par exemple, et ainsi amortir ce surplus d'électricité.

Bâtiment solaire déjà en fonction
Pour tester les systèmes de communication et de stockage, les chercheurs utilisent pour l'instant la plupart du temps des modèles virtuels. Certaines expériences sont toutefois déjà menées sur certains bâtiments de l'école.
Mario Paolone a par exemple doté le bâtiment dans lequel il travail de panneaux solaires, dont la production est contrôlée et gérée par un micro-réseau local intelligent. Combiné à la batterie Leclanché, ce système permet de faire fonctionner le bâtiment uniquement à l'énergie solaire. Les chercheurs testeront également leur système de batterie de stockage virtuelle sur le nouveau bâtiment de mécanique du campus, qui vient d'être construit.

«Nous développons des modèles à l'échelle réelle, qui peuvent facilement être répliqués à grande échelle », assure Jean-Yves Le Boudec. « Notre but sera d'appliquer nos modèle à tout le campus, et de rendre l'EPFL indépendante du réseau traditionnel », ajoute-t-il.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL