Un nouvel outil pour mieux comprendre la maladie de Parkinson

Credit: ThinkStock

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Des chercheurs de l’EPFL ont développé une nouvelle méthode capable de simuler avec précision la modification chimique de la protéine derrière la maladie de Parkinson. Cette technique ouvre la voie à une compréhension accrue de celle-ci, et pourra être étendue à d’autres protéines et affections.

La maladie de Parkinson se caractérise par l’agrégation de la protéine alpha-synucléine dans les cellules du cerveau qui contrôlent le mouvement, ce qui provoque les symptômes que l’on connaît. Il semblerait que l’alpha-synucléine commence à s’agréger lorsqu’elle est soumise à une réaction chimique où les groupes nitrogènes s’attachent à quatre acides aminés. Appelé nitration, ce processus n’avait jusqu’ici pu être étudié en laboratoire sur l’alpha-synucléine. Or, des scientifiques de l’EPFL ont développé la toute première méthode qui permet de nitrer l’alpha-synucléine, et donc de recréer les schémas observés avec Parkinson. Cette technique, qui pourra être utilisée pour étudier l’effet de la nitration dans d’autres protéines, est présentée dans le Journal of the American Chemical Society. Elle permet de mieux saisir le rôle de la nitration dans la santé.

Les causes exactes de la maladie de Parkinson, qui touche environ dix millions de personnes dans le monde, sont encore méconnues. Elles semblent être liées à la protéine alpha-synucléine, qui s’agglutine dans les cellules du cerveau et forme de longues fibrilles qui évoluent en agrégats, puis détruisent la cellule. En cause, différentes modifications chimiques de l’alpha-synucléine, dont la nitration, où les groupes nitrogènes s’attachent aux acides aminés de la tyrosine.

La nitration de l’alpha-synucléine a toutefois toujours été difficile à étudier en laboratoire. En effet, les méthodes usuelles de nitration génèrent des mixtures non homogènes d’alpha-synucléines qui sont nitrées sur différents sites d’acides aminés. Résultat, les propriétés de ces protéines diffèrent de l’alpha-synucléine naturelle et ne peuvent être utilisées pour imiter la maladie de Parkinson.

Une nouvelle approche pour décortiquer la nitration

Or, l’équipe de Hilal Lashuel de l’EPFL vient de créer la première technique qui produit des alpha-synucléines homogènes, où l’une ou plus de ses tyrosines peuvent être correctement nitrées. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une méthode de synthèse de protéine sophistiquée afin de produire des fragments d’alpha-synucléine dans lesquels les tyrosines nitrées peuvent être incorporées, et donc nitrées indépendamment les unes des autres. En conséquence, il s’est également révélé possible de contrôler le nombre exact de combinaisons de tyrosines nitrées, livrant ainsi un outil non négligeable pour étudier le processus.

Les fragments ont ensuite été recombinés pour produire l’alpha-synucléine entière avec les tyrosines correctement nitrées. Cette recombinaison implique en temps normal une désulfurisation qui peut détruire les groupes nitrogènes liés en leur ajoutant des électrons (par « réduction »). L’auteur principal Ritwik Burai a toutefois réussi à éviter ce problème en modifiant l’étape de désulfurisation.

Cette nouvelle méthode a ainsi produit une mixture d’alpha-synucléine nitrée complétement homogène ou adaptée. Testées in vitro, les protéines modifiées ont perdu leur capacité à interagir correctement avec les vésicules, comme celles trouvées dans les cellules. D’autres tests ont démontré que la nitration liée à un site modifiait la structure de l’alpha-synucléine, ce qui influence directement la tendance qu’a la protéine de former les agrégats de type Parkinson.

Des outils pour le futur

Cela fait cinq ans que l’équipe de Hilal Lashuel travaille sur les modifications chimiques de l’alpha-synucléine et d’autres protéines. Cette méthode est leur dernière trouvaille et elle parvient à relever un défi de taille, la nitration. « Ces avancées nous permettent désormais de reconstruire in vitro des espèces d’alpha-synucléines avec les mêmes propriétés chimiques que celles qui ont été isolées sur des cerveau humains malades, » explique Hilal Lashuel. Comme les fonctions normales de l’alpha-synucléine restent un mystère, reconstruire ses propriétés chimiques telles qu’elles existent dans le cerveau humain pourrait aider à saisir son rôle biologique, et comment il se péjore avec la maladie.

Cette nouvelle technique ne se limite pas à l’alpha-synucléine, mais peut être utilisée avec différents types de protéines et de modifications chimiques, qui sont souvent sous-jacentes à une multitude de maladies. Concernant Parkinson, Lashuel pense que les outils chimiques développés par son équipe vont avoir un impact énorme: « Ces résultats vont faciliter le développement d’anticorps et d’agents d’imagerie pour détecter et quantifier les différentes espèces d’alpha-synucléines et d’agrégats au fil de la progression de la maladie de Parkinson, ce qui pourrait permettre d’améliorer à la fois son diagnostic et son traitement ».

Source

Burai R, Ait-Bouziad N, Chiki A, Lashuel HA. Elucidating the role of site-specific nitration of α-synuclein in the pathogenesis of Parkinson’s disease via protein semisynthesis and mutagenesis.JACS 13 March 2015. DOI: 10.1021/ja5131726