Un «micro-robinet» pour traiter les glaucomes

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Insérable directement dans l'œil et réglable à distance, un minuscule implant sorti des laboratoires de l'EPFL pourrait révolutionner le traitement du glaucome. Le dispositif devrait être testé cette année puis commercialisé en 2014 par Rheon medical, spin-off de l'école.

Deuxième cause de cécité dans le monde après la cataracte, le glaucome se traduit par la présence d'une trop grande quantité de liquide entre la cornée et l'iris. Un problème qui entraîne un surplus de pression dans l'œil et qui, s'il est mal géré, peut mener à la destruction du nerf optique.
A l'aide de ses collaborateurs Stéphane Bigler, Adan Villamarin et Sylvain Roy, le professeur Nikos Stergiopulos du Laboratoire d'hémodynamique et de technologie cardio-vasculaire de l'EPFL a développé un implant «micro-robinet» réglable, servant à drainer le surplus de liquide dans l'oeil. Les tests cliniques devraient débuter à la fin de cette année. Ils seront coordonnés par la startup Rheon Medical, issue de l'EPFL.

Les lacunes des méthodes actuelles
Dans un œil humain en bonne santé, un liquide appelé l'humeur aqueuse est produit continuellement dans la chambre antérieure, au niveau du corps ciliaire situé entre l'iris et la cornée. L'évacuation se fait naturellement à travers un tissu de fibres, le trabéculum, qui agit comme un filtre. En cas de glaucome, la résistance du trabéculum devient plus forte, le liquide ne peut plus s'écouler correctement et la pression intraoculaire augmente. «Le patient risque de perdre la vision de manière périphérique dans un premier temps, puis de devenir complètement aveugle», commente Nikos Stergiopulos.

Plusieurs méthodes existent afin de faire baisser cette pression. Dans 90% des cas, des gouttes médicales suffisent. Mais pour les cas les plus graves, une intervention chirurgicale est nécessaire, lors de laquelle on pourra par exemple implanter dans l'œil un petit canal de drainage pour faire évacuer le liquide. Seul problème : le diamètre de ces canaux n'est pas réglable. Il arrive ainsi que la pression passe soudainement de trop haute (hypertonie) à trop basse (hypotonie oculaire), entraînant des complications post-opératoires et, souvent, la nécessité pour le patient de repasser sur le billard.

Dispositif magnétique et tube en silicone
Nikos Stergiopoulos et son équipe ont imaginé un mécanisme d'un genre nouveau pour résoudre ces problèmes de pression. Le prototype contient un disque magnétique entouré d'un tube de silicone, conçu pour tourner autour d'un axe excentré. En faisant bouger le disque, il est possible d'écraser le tube de manière plus ou moins forte, et de régler ainsi le débit du liquide transitant à l'intérieur. «L'insertion d'un moteur électronique était exclu, en raison des contraintes de place. Nous avons donc inventé un mécanisme d'un demi-millimètre d'épaisseur qui fonctionne comme un petit robinet», explique le scientifique.

Un simple «stylo» pour changer la pression
Baptisé Glafkos du nom d'une rivière grecque, le prototype se règle depuis l'extérieur à l'aide d'un ustensile de la taille d'un stylo, qui contient une mini-boussole. En pratique, il suffit de l'approcher de l'implant afin de «lire» son positionnement, puis de le déplacer pour faire tourner le disque et modifier le flux. «Le réglage se fait en quelques secondes. Les médecins peuvent donc calibrer l'implant et mesurer les changements de pression au fur et à mesure, de manière non-intrusive.»

Le glaucome: une maladie de plus en plus répandue
S'il fait ses preuves, le nouveau dispositif permettrait ainsi d'éviter les complications post-opératoires, mais pas seulement. « Plus petit que les implants actuels, il devrait permettre de se passer des greffes de cornées parfois requises lors de la pose d'implants plus volumineux», commente le Dr André Mermoud, chef du Centre du glaucome de la Clinique de Montchoisi à Lausanne.

Pour l'heure, des tests sur des yeux de lapin ont déjà été effectués avec succès. Reste maintenant à procéder aux tests cliniques. L'autorisation du comité d'éthique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), ainsi que celle de SwissMedic devraient être délivrées d'ici la fin de l'année.

A noter qu'à l'heure actuelle, le glaucome touche 1 à 2 % de la population suisse, des personnes d'un âge avancé pour la plupart. Un taux qui pourrait néanmoins augmenter ces prochaines années au vu du vieillissement démographique. «Sans compter qu'à l'échelle mondiale, le nombre de patients pouvant bénéficier de cette technologie est d'ores et déjà élevé», indique le Dr. Mermoud.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL