Un capteur de nouvelle génération, entre laser et mécanique

L'interaction du disque et de la "corde" permet des mesures d'une précision inouïe.

L'interaction du disque et de la "corde" permet des mesures d'une précision inouïe.

Cette technologie pourrait révolutionner le domaine des capteurs ou de la microscopie à force atomique. Des chercheurs de l’EPFL sont parvenus à mettre au point un système de mesure opto-mécanique rapide et précis, intégré au sein d’une même puce de silicium.

Détecter d’infimes proportions de matière dans l’atmosphère. C’est l’une des applications phare des résonateurs. Le principe: une corde microscopique, qui vibre quand elle entre en contact avec une particule. Chaque type de molécule induit une vibration spécifique – un peu comme une note sur une corde de guitare. Une véritable signature, qui permet d’identifier un gaz ou une particule en suspension dans l’air, même en très petite quantité. Avec ses collègues Pierre Verlot et Emanuel Gavartin, le physicien Tobias Kippenberg a fait un pas important vers des résonateurs plus compacts, sensibles et précis. Le dispositif des chercheurs de l’EPFL, rassemblé au sein d’un unique circuit intégré, fait l’objet d’une publication dans Nature Nanotechnology.

Le monde des résonateurs est engagé vers une course à la miniaturisation. En effet, plus la corde est petite, plus sa réaction sera importante lors d’un choc avec une particule. En d’autres termes, le capteur sera plus sensible. Avec une corde de quelques centaines de nanomètres de large, le dispositif réalisé par Emanuel Gavartin en collaboration avec le Centre of Micronanotechnology (CMi) de l’EPFL, est l’un des plus sensibles qui puisse opérer à température ambiante.

Un disque de lumière
Pour pouvoir décrypter les vibrations de la corde, les chercheurs utilisent un laser. Ce dernier est injecté dans un minuscule disque de verre. En à peine 2 nanosecondes, le faisceau fait 1000 tours avant de ressortir. La corde est située juste au-dessus de ce circuit de course pour photons. En vibrant, elle perturbe le faisceau. En comparant la longueur d’onde du laser à l’entrée du disque, puis à sa sortie, les chercheurs peuvent déduire les mouvements de la corde.

Un système de refroidissement virtuel
Le principal obstacle auquel se sont confrontés les chercheurs est dû à un phénomène physique appelé «mouvement brownien». En pratique, il induit des vibrations aléatoires sur la corde, qui s’intensifient à chaque impact et prennent un certain temps pour s’atténuer. Ce phénomène ralentit sensiblement les mesures. Un peu comme si, après avoir joué une note sur une guitare, il fallait attendre que la corde retrouve un état plus «calme» avant de jouer la suivante.
D’ordinaire, cette difficulté est contournée en refroidissant le système à l’hélium – le mouvement brownien s’atténue avec le froid. Les chercheurs de l’EPFL sont parvenus à mettre au point une technique permettant d’atténuer le phénomène, tout en restant à température ambiante.

Un premier laser, dit «sonde», détecte les mouvements de la corde. Le signal est interprété en temps réel et module un second laser, dit «de contrôle», qui est injecté dans le disque et contrecarre le mouvement brownien, en exerçant une force contraire sur la corde. Un véritable système de refroidissement virtuel.

Rapide, précis et simple à mettre en œuvre
Grâce à cette innovation, les chercheurs sont parvenus à réduire le temps entre chaque mesure par un facteur 32, tout en opérant à environ 20 degrés Celsius. La précision, quant à elle, est diabolique. «Si au lieu de notre corde nous avions un pont de 100 mètres de long, nous pourrions, toutes proportions gardées, mesurer en temps direct une déformation d’un nanomètre, soit un dix-millionième du diamètre d’un cheveu!», explique Pierre Verlot, co-auteur.

Le système mis au point à l’EPFL conjugue sensibilité – grâce à la taille du dispositif – et rapidité – avec le laser de contrôle. Et tout cela sans qu’il soit besoin de recourir à un encombrant et complexe système de refroidissement. Entièrement intégré au sein d’une puce en silice, ce système ouvre le champ à de nombreuses applications, selon Pierre Verlot. «Les capteurs ne sont pas le seul domaine où notre système pourrait s’avérer intéressant. Par exemple, il permettra également d’améliorer les systèmes de microscopie à force atomique – une invention du suisse Christoph Gerber dans les années 80 – et, à un niveau plus fondamental, d’observer et de mesurer plus facilement de nombreux phénomènes.»


Auteur: Lionel Pousaz

Source: EPFL