Un «bistouri laser» pour des opérations plus précises et plus sûres

Camille Brès et Svyatoslav Kharitonov © Alban Kakulya / EPFL

Camille Brès et Svyatoslav Kharitonov © Alban Kakulya / EPFL

Les lasers d’une longueur d’onde de deux microns ont le potentiel de repousser les limites de la chirurgie et de la détection de molécules. Des chercheurs de l’EPFL sont parvenus à produire ces lasers de manière simple et bon marché, grâce à une configuration nouvelle de fibres optiques.

Depuis quelques années, les lasers dont la longueur d’onde atteint deux microns (0,002 millimètre) suscitent un intérêt croissant dans le monde de la recherche. En matière de chirurgie ou de détection de molécule, ils offrent des avantages exceptionnels par rapport aux lasers conventionnels, dont la longueur d’onde est plus courte.

Les lasers à deux microns n’en sont pourtant qu’à leurs débuts, bien moins matures que ceux qui sont utilisés dans les télécoms (1,55 microns). En outre, on ne les générait jusqu’ici qu’au moyen d’appareils de laboratoire encombrants et coûteux.

Une solution élégante pour contourner ces problèmes pourrait bien venir de l’EPFL. Les chercheurs du Laboratoire de systèmes photoniques (PHOSL) utilisent de la fibre optique et démontrent que l’on peut générer des lasers 2 de microns simplement en jouant avec la façon de connecter les fibres, et se débarrer dans la foulée d’un élément coûteux nécessaires aux anciennes sources de laser. Les travaux de l’équipe de Camille Brès sont décrits aujourd’hui dans la revue Light : Science & Applications.

Une chirurgie sans saignement et un allié pour la météorologie
Le domaine spectral du laser deux microns est intéressant tant pour la médecine que pour les sciences de l’environnement. A ces longueurs d’onde, la lumière des lasers est très bien absorbée par les molécules d’eau, principales constituantes du tissu humain. En matière de chirurgie de haute précision, un laser deux microns permet de cibler des molécules d’eau et de couper de très petites surfaces de tissu, sans pénétrer profondément. Autre avantage: les radiations du laser provoquent la coagulation autour de la plaie, ce qui supprime les saignements.

Le même genre de laser s’avère très utile pour détecter des molécules sur de longues distances dans l’air, et récolter des données climatologiques. Il constitue par ailleurs un excellent moyen de traiter différents matériaux industriels.

Remplacer un policier par une déviation
Pour créer un laser de 2 microns, on devait jusqu’ici injecter de la lumière dans un anneau en fibre pourvu d’un amplificateur de signal. La lumière, qui tourne sans cesse sur elle-même, devient de plus en plus puissante dans la longueur d’onde souhaitée, jusqu’à se transformer en laser. De tels systèmes doivent toutefois également être équipés d’un isolateur coûteux, qui force la lumière à circuler dans un seul sens.

Au sein du PHOSL, les chercheurs ont fabriqué un système de fibres dopées au thulium, qui ne nécessite pas d’isolateur. Leur astuce consiste à brancher les fibres différemment, de sorte à réorienter la lumière, au lieu de la stopper. «Sur l’anneau en fibre, nous branchons une sorte de déviation pour rediriger la lumière qui circule dans le mauvais sens», explique Camille Brès. Plus besoin dès lors d’utiliser un isolateur pour stopper la lumière, comme le ferait un policier dans le trafic. «Nous avons remplacé ce policier par une déviation », illustre Svyatoslav Kharitonov, premier auteur de la publication.

Une qualité de laser supérieure
Cette découverte rend le dispositif meilleur marché, mais ce n’est pas tout. La qualité du rayon obtenu est également nettement supérieure à celle qui résulte des systèmes classiques. L’explication est la suivante : dans ce circuit atypique, et grâce à la composition de la fibre (thulium), à la façon d’arranger les branchements et à la puissance élevée contenue dans cette fibre, la lumière interagit avec elle-même d’une manière telle qu’elle produit une lumière très pure. « D’habitude, l’amplification et les grandes puissance en cause ont tendance à péjorer le laser. Grâce à notre architecture, l’effet est inverse. Nous obtenons donc un laser de très bonne qualité», décrit Svyatoslav Kharitonov.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL