Un aimant à atome unique pour miniaturiser le stockage de données

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Des scientifiques de l'EPFL et de l'ETHZ ont construit un aimant à un seul atome remarquablement stable. Un procédé qui pourrait permettre de produire des dispositifs de stockage magnétiques miniaturisés.

Les dispositifs de stockage magnétiques - disques durs ou cartes-mémoire - sont largement répandus. La technologie informatique se miniaturise, et le stockage de données se doit de suivre la tendance. Une quête qui trouve son paroxysme dans le développement d'aimants de la taille d'un seul atome. Mais il est très difficile de garder un aimant aussi petit «magnétisé». En d'autres termes, Il ne peut pas conserver une information pour un laps de temps significatif. Dans une étude publiée dans Science, des chercheurs suisses, français, serbes et qataris, dirigés par l'EPFL et l'ETHZ, viennent de construire un aimant à un seul atome qui, bien que devant fonctionner à une température d'environ 40 degrés Kelvin (- 233,15 °C), est le plus compact et le plus stable à ce jour.

Les aimants fonctionnent grâce au spin de l'électron: un mouvement compliqué que l'on peut se représenter sous la forme d'une toupie. Les électrons peuvent s'orienter vers le haut ou vert le bas (un peu comme le sens des aiguilles d'une montre, ou le sens contraire), ce qui créé un minuscule champ magnétique. Dans un atome, les électrons viennent habituellement par paire, avec des spins opposés, annulant ainsi mutuellement leur champ magnétique. Mais dans un aimant, les atomes ont des électrons non-appariés, et leur spin crée un champ magnétique.

On cherche aujourd'hui à construire des aimants de plus en plus petits pouvant être implantés dans des dispositifs de stockage. Le problème, c'est une paramètre appelé «rémanence magnétique» ou, en d'autres termes, la capacité d'un aimant à demeurer magnétisé. La rémanence est très difficile à observer dans un atome unique, parce que les fluctuations environnementales peuvent inverser son champ magnétique. Une rémanence limitée entraîne une capacité de stockage d'information limitée.

Une équipe de scientifiques, menée par Harald Brune à l'EPFL et Pietro Gambardella de l'ETHZ, ont construit un prototype d'aimant à un seul atome basé sur l'élément terre rare holmium. Les chercheurs ont disposé des atomes uniques d'holmium sur des films ultrafins d'oxyde de magnésium, préalablement élaborés sur un surface d'argent. Cette méthode permet la formation d'aimants à atome unique dotés d'une rémanence robuste. La raison en est que la structure électronique des atomes d'holmium empêche que le champ magnétique soit inversé.

La rémanence magnétique des atomes d'holmium est stable à des températures d'environ 40 degrés Kelvin (- 233.15 °C). Cela a beau être froid, cette température de fonctionnement est la plus élevée jamais atteinte dans ce cas. Les calculs des scientifiques démontrent que la rémanence d'atomes uniques d'holmium à ces températures est bien plus élevée que la rémanence observée dans d'ancien prototype, qui était également plus massifs (3 à 12 atomes). Ce nouvel aimant à atome unique établit donc un record mondial en termes de taille et de stabilité.

Ce projet a impliqué la collaboration de l'Institute of Condensed Matter Physics de l'EPFL avec l'EPFZ, Swiss Light Source (PSI), le Vinča Institute of Nuclear Sciences (Belgrade), la Texas A&M University au Qatar et la European Synchrotron Radiation Facility (Grenoble). Il a été financé par le Fonds National Suisse, le Swiss Competence Centre for Materials Science and Technology (CCMX), l'EPFZ, l'EPFL, l'Institut Marie Curie, et le Ministère serbe de l'éducation et de la science.

Référence

Donati F, Rusponi S, Stepanow S, Wäckerlin C, Singha A, Persichetti L, Baltic R, Diller K, Patthey F, Fernandes E, Dreiser J, Šljivananin Ž, Kummer K, Nistor C, Gambardella P, Brune H. Magnetic remanence in single atoms. Science 14 April 2016. DOI: 10.1126/science.aad9898