SIG participatif pour localiser les mares dans le Grand Genève

© erikpaterson / Flickr under a creative commons license

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Comment se portent les crapauds dans nos villes? Pas si mal que cela, du moins dans la région de Genève. Afin d’en savoir plus sur la diversité génétique de la faune et de la flore en milieu urbain, des chercheurs appellent les habitants à partager leurs connaissances et informations sur un nouveau site internet.

Les villes grouillent d’animaux sauvages. La plupart nous sont invisibles, vivant cachés dans les parcs, les jardins ou autres recoins isolés. Or, nous en savons peu sur l’impact du développement urbain sur la survie à long terme de cette faune. Dans le cadre du projet UrbanGene, des chercheurs de l’EPFL ont décidé d’étudier la question en partant d’un animal en particulier: le crapaud commun. Et pour les aider à localiser les habitats de ces bestioles dans la région franco-suisse du Grand Genève, ils en appellent aux résidents. Ainsi, les volontaires pourront se rendre sur un site amusant et interactif pour indiquer où se situent des mares. Ils peuvent également suivre les étapes et l’évolution du projet sur les médias sociaux, via son groupe facebook.

La diversité génétique est essentielle à la survie à long terme des organismes. Elle permet aux plantes et aux animaux de s’adapter aux situations périlleuses, telles que les maladies, le changement climatique ou l’arrivée de nouveaux prédateurs. Or, la multiplication des routes, des bâtiments et d’autres infrastructures urbaines tend à isoler cette faune en des entités de plus en plus réduites. Jusqu’à quel point la diversité génétique est-elle menacée? «Notre but est de voir ce qu’il se passe, génétiquement, chez des communautés végétales ou animales lorsqu’elles sont divisées en petites colonies», décrit Stéphane Joost, chercheur principal du projet.

Quelques cellules dans la bouche du crapaud
Les indications fournies par les participants sur les étangs, habitats naturels des crapauds, complèteront la base de données des chercheurs. Ils iront ensuite visiter chacun des sites mentionnés, avec la permission du propriétaire des lieux, pour y rechercher les batraciens. Un échantillon d’ADN sera alors extrait, en prélevant simplement quelques cellules à l’intérieur de leur bouche. Une fois ces données génétiques décodées, elles seront cartographiées et feront l’objet d’analyses plus détaillées.

Plantes, crapauds et papillons
L’étude se concentrera sur trois espèces particulièrement répandues dans la région genevoise: le crapaud commun, deux papillons - le Myrtil et la Piéride de la rave - ainsi que le grand plantain, une plante herbacée. «En recherchant un grand nombre de marqueurs génétiques dans le génome de ces organismes, nous pourront avoir une bonne idée de leur diversité génétique et ainsi estimer dans quelle mesure elle varie avec la densification urbaine», affirme Ivo Widmer, biologiste et spécialiste en génétique environnementale dans ce projet. La démarche arrive à point nommé, de nombreux projets de développement étant en cours sur tout le territoire à cheval entre la Suisse et la France. Les résultats de cette étude pourraient donc fournir de précieuses lignes directrices pour le développement de projets urbains à caractère durable sur le territoire du Grand Genève.

Suivre les gènes dans l’espace et le temps
En analysant ces trois espèces bien distinctes et la manière dont leurs gènes se propagent, le projet UrbanGene adopte une nouvelle approche. L’ADN des plantes se dissémine par le vent, les abeilles et les autres insectes pollinisateurs. Celui des crapauds se transmet par le sol, au gré des déplacements de l’animal d’étang en étang. Enfin, celui des papillons prend la voie du ciel. L’impact du développement urbain sera donc certainement très différent d’une espèce à l’autre. Il s’agira tout d’abord de comprendre comment les gènes de ces trois groupes provenant d’habitats différents sont liés les uns aux autres. Ensuite, des études complémentaires s’attacheront à observer comment l’information génétique se diffuse d’un habitat à l’autre à travers le temps.

Si elles ont l’air au départ plutôt abstraites, les données de cette auront des implications très concrètes, relève Sandra Mollier, cheffe de projet agriculture, nature et paysage au Grand Genève, l’une des institutions impliquées dans UrbanGene. «Encourager l’idée d’une agglomération urbaine où la faune et la flore puissent prospérer est très important. Si ce projet nous fait prendre conscience que des projets urbains ou d'infrastructures isolent trop certaines communautés végétales ou animales, nous pourrons alors commencer à imaginer des solutions dès l'amont de ces projets pour les remettre en contact les unes avec les autres.»

Une approche en trois phases
Ce projet se déroulera en parallèle à GreenTrace, une initiative de chercheurs issus de l’EPFL, L’UNIL, l’UNIGE et des HUG destinée à étudier le rôle et l’importance de la biodiversité en milieu urbain. L’un de ses principaux défis est d’en apprécier les effets sur la population d’une ville en particulier, les perceptions recueillies auprès des gens ne coïncidant pas toujours avec les données mesurées scientifiquement. «Afin d’avoir une vision plus précise de la relation entre faune et développement en milieu urbain, nous allons travailler sur trois niveaux différents, dit Stéphane Joost. Les analyses génétiques nous fourniront des indications concernant l’impact de la densification sur les espèces. Dans un deuxième temps, une étude sera menée pour connaître les idées que les habitants se font de la faune urbaine. Enfin, nous utiliserons des données relatives à la santé pour voir dans quelle mesure la proximité avec la flore et la faune peut influencer ou affecter le bien-être.