Quand la science apprivoise la lumière

© 2012 EPFL

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En frappant la surface d’un plan d’eau ou d’un objet en verre, les rayons lumineux produisent de jolis motifs aléatoires. Des chercheurs de l’EPFL ont développé un algorithme qui permet de les maîtriser et de les organiser en images cohérentes, ouvrant la porte à de nouvelles applications en architecture.


C’est une simple plaque d’acrylique transparent. Rien n’a été incrusté à l’intérieur, ni imprimé à la surface. Pourtant, ô miracle, placée sous un certain angle entre un mur clair et une source de lumière, elle fait apparaître une image nette et cohérente, celle du visage d’Alan Turing, fameux mathématicien britannique et fondateur de la science informatique.

Rien de magique, tout repose en réalité dans le relief conféré à la plaque. Et dans un phénomène optique naturel appelé «caustique», que des chercheurs du Laboratoire d’informatique graphique et géométrique de l’EPFL ont réussi à apprivoiser. Leurs travaux à ce sujet ont été présentés récemment à Paris, à l’occasion de la Conférence Advances in Architectural Geometry. Une démonstration destinée au grand public aura également lieu à l’occasion des Journées Alan Turing, organisées les 16 et 17 novembre à l’EPFL pour célébrer le centenaire de la naissance de ce scientifique.

«Avec la technique que nous avons développée, il est possible de composer toutes les images souhaitées, allant aussi bien d’une forme simple, comme une étoile, à des représentations complexes, telles que des visages ou des paysages», relève Mark Pauly, directeur du LGG et auteur de cette étude, avec quatre autres chercheurs*.

Cet effet de «caustique» est facilement observable. Il suffit d’un plan d’eau et d’un peu de soleil pour qu’il se manifeste, sous la forme de motifs dansant sur les catelles ou les murs alentours. Ces lignes ondulantes, au design apparemment aléatoire, sont engendrées par la lumière venant frapper la surface mouvante d’un bassin, d’une piscine ou d’une flaque. Très mobile et dynamique lorsqu’il s’agit de liquide, cet effet se produit également avec des matières transparentes inertes, telles que le verre ou l’acrylique transparent (plus connu sous le nom de plexiglas). Les motifs sont alors statiques.

Trajectoires déviées

Scientifiquement, ce phénomène s’explique par la réfraction de la lumière. Une fois que les rayons lumineux ont atteint une surface transparente, leur trajectoire se poursuit, mais est déviée en fonction des mouvements ou aspérités de la matière. La lumière passant au-travers n’est ainsi plus distribuée uniformément. Elle se concentre en certains points, formant alors des zones plus intenses et laissant d’autres parties davantage dans l’ombre.

Les chercheurs ont étudié les principes de cette distribution. Ils peuvent ainsi déterminer quelles sont les courbes et ondulations que la surface doit prendre pour diriger les rayons à un endroit souhaité. Ils ont alors mis au point une formule mathématique, un algorithme, qui permet de calculer ces trajectoires avec une grande précision et former ainsi l’image désirée.

L’une des applications les plus attendues de cette technique est d’ordre architecturale. Elle pourrait être appliquée à des vitrines, des fenêtres, des structures de fontaines, des décorations de musées ou de monuments. Dans le domaine du design, elle est pressentie pour orner des verres, des carafes, des bijoux et beaucoup d’autres objets. Elle a également un potentiel dans des champs plus techniques, tels que la correction de l’orientation des phares de voiture ou de projecteurs.

*Thomas Kiser (EPFL), Michael Eigensatz (Evolute), Minh Man Nguyen (WAO) et Philippe Bompas.