Pollution microplastique: nos lacs également contaminés

© 2013 EPFL - Herzog

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Des chercheurs de l’EPFL ont mesuré des taux de pollution aux microplastiques plus élevé qu'attendu dans le lac Léman.


Une équipe de l’EPFL vient de détecter de la pollution plastique et microplastique dans une des plus grandes étendues d’eau d’Europe de l’Ouest, le lac Léman, et ce en quantités suffisantes pour engendrer une certaine inquiétude. Si l’on sait que dans les océans de fins débris de plastique peuvent nuire aux poissons et oiseaux qui se nourrissent de plancton ou d’autres microorganismes en suspension dans l’eau, leur influence globale sur les lacs et rivières commence seulement à être étudiée. Cette recherche de l’EPFL, désormais au bénéfice d’un mandat de l’Office fédéral de l’environnement, a été publiée dans le dernier numéro du journal Archives des Sciences.

“Nous avons été très surpris de découvrir de telles concentrations de microplastiques en Suisse, dans un pays respectueux de l’environnement,” déclare l’auteur principal de l’article, Florian Faure de l’EPFL. Son étude s’est focalisée sur le lac Léman, dont les plages et l’eau présentent un taux de contamination considérable en microplastiques, comprenant des déchets plastiques atteignant jusqu’à 5mm en diamètre. Il s’agit de la première recherche qui s’intéresse à un lac continental d’eau douce. Selon le chercheur, la situation reflète ce qui se passe au niveau planétaire, même si la Suisse et la France ont fourni de gros efforts pour préserver leurs rives ces dernières décennies.

Les microplastiques des eaux douces pourraient être la source principale de la pollution microplastique des océans, où des immenses surfaces présentant un taux de microplastiques élevé se sont formé. Les scientifiques estiment que seulement environ 20% de ces substances sont déversés directement dans la mer. Les 80% restants proviendraient des terres, soit des décharges, égouts et ordures urbaines.

La pollution microplastique, met en outre les écosystèmes des lacs et rivières à rude épreuve et menace la faune qui y habite tant sur le plan physique que chimique. En effet, lorsque les oiseaux et poissons avalent ces petits morceaux de plastique par inadvertance, ceux-ci peuvent obstruer leurs voies digestives, ou bloquer leurs voies respiratoires. De plus, les débris ingérés peuvent transporter en surface des additifs toxiques, comme le bisphénol A (BPA) et les phthalates, deux agents cancérigènes utilisés dans les plastiques transparents, et d’autres polluants hydrophobes, tels les PCB.

Une aiguille dans une botte de foin
Pour quantifier la pollution microplastique, Florian Faure et ses collaborateurs ont utilisé une multiplicité d’approches au cours de leur étude, du ratissage des plages lémaniques en quête de déchets plastiques à la dissection d’animaux, de poissons (brochets, gardons, brèmes) et autres oiseaux provenant de l’environnement aquatique, en passant par l’observation des fientes de volatiles trouvées aux alentours du lac.

Quant au prélèvement des microplastiques dans l’eau, Faure a travaillé en collaboration avec Oceaneye, une association à but non lucratif basée à Genève, qui a développé un système de mesure de la pollution plastique en Méditerranée. Un chalut Manta – un filet flottant à petit maillage – accroché derrière un bateau a ainsi permis de récolter tous les matériaux solides présents dans les couches supérieures du lac Léman. Les échantillons ont ensuite été triés et séchés, puis leur composition analysée.

“Nous avons trouvé du plastique dans chaque prélèvement effectué sur les plages,” explique Faure. Principal accusé, le polystyrène, même si des plastiques durs, membranes et bribes de ligne de pêche faisaient également partie des particules collectées. La quantité de débris sortis du lac Léman par le chalut Manta au cours de cette étude préliminaire, dont les résultats ne peuvent pas encore être généralisés sur le lac en entier, s’est révélée comparable à celle observé en Méditerranée.

Pour pouvoir mieux apprécier le niveau global de cette pollution dans le lac Léman, et pour se faire une idée plus précise de l'importance du problème au niveau suisse, les scientifiques élargissent désormais leur recherche aux autres lacs helvétiques ainsi qu'aux rivières suisses, sous mandat de l’Office fédéral de l’environnement. Selon le directeur du laboratoire, Luiz Felippe de Alencastro, il s’agit d’évaluer la pollution microplastique des biotes, étendues et cours d’eau du pays, sans oublier les micropolluants tels les PCB, dont la présence sur les déchets lémaniques s’est déjà montrée significative.