Poissons de rivières : tous aux abris !

© 2014 Wikipédia

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La production d’électricité hydraulique met en danger les poissons en aval des barrages à cause des retenues et des relâches importantes d’eau. La demande énergétique croissante pourrait encore intensifier le phénomène. Un doctorant de l’EPFL a développé des abris qui permettent à la faune piscicole de trouver refuge pendant les épisodes de marnage.

Un tiers de l’énergie produite en Suisse provient de centrales hydroélectriques, ce qui implique plus de mille kilomètres de cours d’eau exploités pour la production d’électricité. Une production qui devrait encore augmenter avec l’arrêt du nucléaire.

En retenant puis relâchant de grandes quantités d’eau, les barrages provoquent de fortes variations, de la hauteur d’eau et de la vitesse du courant, qui emportent dans leurs lames la faune et la flore dont se nourrissent, notamment, les jeunes truites. La rapidité du flux drague également le lit de la rivière en éliminant le gravier auquel devraient s’accrocher les poissons, ne laissant que les grosses pierres dans le fond. Si leur habitat est transformé radicalement et subit des changements brusques et répétés, ils n’arrivent plus à migrer.

Indicateur de la qualité de l’eau
En collaboration avec l’EAWAG, Jean-Marc Ribi, doctorant au laboratoire de constructions hydrauliques (LCH) et professeur à l’école d’ingénieur et d’architecte de Fribourg, a imaginé un moyen de protéger les truites juvéniles. Il a mis au point des niches à installer dans les berges des rivières canalisées. Il s’agit d’alcôves latérales profondes qui assurent, sur environ 15 mètres de long, la tranquillité de leurs hôtes. Ces refuges, installés en quinconce à l’aval des barrages sur une distance d’1 kilomètre, pourraient sauver une faune menacée. «S’intéresser au bien-être des poissons pourrait paraitre futile, mais le poisson est un précieux indicateur de la qualité des eaux».

Les abris imaginés à l’EPFL éloigneraient également une autre menace : celle de l’échouage. En effet, si les truitelles s’aventurent près des berges elles peuvent, par malchance, être prises au piège d’une eau qui devient subitement peu profonde. Avec les turbinages et les retenues successifs des centrales hydroélectriques, la hauteur d’eau peut varier drastiquement plusieurs fois par jour, au gré des besoins énergétiques. C’est un des points importants sur lesquels doivent se pencher les compagnies hydroélectriques, afin de réduire l’amplitude des fluctuations.

Le poisson cet hydraulicien instinctif !

C’est dans une ancienne usine hydroélectrique de Fribourg que se sont effectués les tests de laboratoire. « Ils nous fallait de l’eau courante et non traitée, pour faire évoluer notre groupe d’une vingtaine de poissons», explique Jean-Marc Ribi.
Lorsque les premiers essais ont été effectués dans le canal construit à cet effet, 35% des jeunes truites, seulement, choisissaient de se cacher dans l’abri. «On ne peut pas forcer les poissons à emprunter un passage plutôt qu’un autre, il a donc fallut jouer avec l’instinct des animaux.»

Les truites choisies pour l’expérimentation sont des résidentes des torrents de montagne, elles s’épanouissent dans une eau fraîche et très oxygénée. De la famille des salmonidés (Salmo trutta fario ), elles remontent le courant. Si on veut les attirer dans la niche salvatrice, la diversité des vitesses d’eau entre la rivière et l’abri est primordiale.

12 configurations ont été testées dans le canal d’essai afin de trouver la forme idéale. Elle est caractérisée par la présence d’un îlot central qui détourne dans le refuge une fraction du débit principal, afin de constituer le courant d’attrait pour le poisson. Avec cette dernière configuration, près de 90% des jeunes truites se sont réfugiées dans l’abri.

Les chercheurs doivent maintenant confirmer, dans un cadre naturel, le bon fonctionnement de ces niches à poissons. La rivière de la Thièle, à l’entrée d’Yverdon-les-Bains, a été pressentie pour accueillir la prochaine étape in situ.