Phénomènes de transport à l'échelle nanométrique

Un faisceau de rayons X pulsés est incident sur un masque de diamant, permettant ainsi de créer un réseau d’excitation dans l’échantillon. Crédit: Ella Maru Studio.

Un faisceau de rayons X pulsés est incident sur un masque de diamant, permettant ainsi de créer un réseau d’excitation dans l’échantillon. Crédit: Ella Maru Studio.

Les réseaux d'excitation créés par l'interférence de deux ondes lumineuses sur un matériau permettent d'étudier les phénomènes de transport à une échelle comparable à leur longueur d'onde. L’utilisation de rayons X permet d'accéder pour la première fois à ces phénomènes à l'échelle nanométrique.

Image: Un faisceau de rayons X pulsés est incident sur un masque de diamant, permettant ainsi de créer un réseau d’excitation dans l’échantillon. Un pulse laser (ligne en bleu à droite) est alors diffracté par le réseau transitoire de l’échantillon et le faisceau diffracté (ligne jaune) est enregistré en fonction du retard par rapport au pulses X initial. Crédit: Ella Maru Studio (https://scientific-illustrations.com).

La spectroscopie à réseau transitoire est une méthode élégante utilisant deux impulsions laser pour activer un milieu en créant un motif d'interférence formé de bandes parallèles d'excitation qui peut être thermique, électronique ou de spin. La profondeur de modulation du motif d’interférence du réseau et son évolution peuvent être mesurées en diffractant sur le réseau transitoire un troisième faisceau de sonde dont le retard est accordable par rapport aux deux premières impulsions.

La modulation s’atténue au fur et à mesure que l'excitation initiale se propage dans le matériau. La distance entre les franges d’interférence est déterminée par la longueur d'onde des impulsions utilisées pour créer le réseau, qui, dans la partie visible-ultraviolette du spectre, est de l'ordre de centaines de nanomètres.

La spectroscopie à réseaux transitoires est un outil puissant pour caractériser les propriétés de transport d'un matériau, qu'il s'agisse de chaleur, de flux électrique ou magnétique. À l'heure de la miniaturisation des dispositifs, la nécessité d'atteindre le régime nanométrique des phénomènes de transport est de plus en plus pressante. Ces derniers sont totalement inconnus et devraient être très différents de ceux à l'échelle micrométrique ou supérieure. Cela nécessite l'utilisation de rayonnements de courte longueur d'onde, et notamment de rayons X. Le principal défi consiste à croiser deux faisceaux de rayons X afin de générer un réseau avec une taille de pas nanométrique.

Aujourd'hui, une équipe internationale de scientifiques a exploité l'effet Talbot pour créer un tel motif d'interférence avec des faisceaux de rayons X durs d'une longueur d'onde subnanométrique (0,17 nm). La collaboration comprend LSU et LACUS (Majed Chergui) à l'EPFL, le PSI (Cris Svetina), le MIT (Keith Nelson), le Synchrotron Elettra de Trieste (Claudio Masciovecchio), l'Université Jean-Monnet-Saint-Étienne (Jérémy Rouxel) et le Laboratoire européen de spectroscopie non linéaire de Florence (Renato Torre). Les scientifiques ont utilisé le laser X à électrons libres suisse (SwissFEL) au PSI.

Les résultats sont publiés dans Nature Photonics et montrent que le réseau d'excitation transitoire décroît en quelques dizaines de femtosecondes à quelques picosecondes, révélant ainsi la réponse des phonons du matériau. Les chercheurs ont sondé le réseau en utilisant une impulsion optique à 400 nm. Il s'agit de la première démonstration de la spectroscopie par réseau transitoire dans le domaine des rayons X durs, ouvrant ainsi la voie à des développements passionnants et novateurs.

«Le réseau transitoire par rayons X durs est particulièrement adapté à l'étude des phénomènes de transport à l'échelle nanométrique dans les matériaux solides ou nanostructurés, les matériaux désordonnés, et même dans les liquides» explique Majed Chergui. «Les expériences futures peuvent ouvrir le champ à des applications dans la caractérisation des matériaux, notamment pour la nanoélectronique, la nano-optique et le nano-magnétisme.»

Financement

Subvention ERC "DYNAMOX" (ERC-2015-AdG-694097)

Fonds national suisse de la recherche scientifique via le PRN:MUST

UE-H2020 Bourse Marie Skłodowska-Curie

Laserlab-Europe

Département américain de l'énergie

Références

Jérémy R. Rouxel, Danny Fainozzi, Roman Mankowsky, Benedikt Rösner, Gediminas Seniutinas, Riccardo Mincigrucci, Sara Catalini, Laura Foglia, Riccardo Cucini, Florian Döring, Adam Kubec, Frieder Koch, Filippo Bencivenga, Andre Al Haddad, Alessandro Gessini, Alexei A. Maznev, Claudio Cirelli, Simon Gerber, Bill Pedrini, Giulia F. Mancini, Elia Razzoli, Max Burian, Hiroki Ueda, Georgios Pamfilidis, Eugenio Ferrari, Yunpei Deng, Aldo Mozzanica, Philip J. M. Johnson, Dmitry Ozerov, Maria Grazia Izzo, Cettina Bottari, Christopher Arrell, Edwin James Divall, Serhane Zerdane, Mathias Sander, Gregor Knopp, Paul Beaud, Henrik Till Lemke, Chris J. Milne, Christian David, Renato Torre, Majed Chergui, Keith A. Nelson, Claudio Masciovecchio, Urs Staub, Luc Patthey, Cristian Svetina. Hard X-ray transient grating spectroscopy on bismuth germanate. Nature Photonics 22 April 2021. DOI: 10.1038/s41566-021-00797-9