Parkinson est une maladie multiforme

© Suraj Rajan/Wikipedia: A Lewy body...

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Hilal Lashuel et son groupe, de l'Institut des Neurosciences (Brain Mind Institute, EPFL ont découvert que quelques-unes des mutations de gènes sous-jacentes aux formes familiales de Parkinson fonctionnaient de diverses façons à l’intérieur des cellules. Ces résultats vont influencer les stratégies pharmaceutiques qui traitent toutes les formes de la maladie.

On sait peu de choses sur la façon dont les mutations génétiques conditionnent la gravité de la maladie de Parkinson. Certains patients montrent une mutation protéinique capable d’accélérer la maladie, mais ledit processus restait jusqu’ici un mystère. Or, des chercheurs de l’EPFL ont trouvé que ces mutations pouvaient provoquer Parkinson via de multiples mécanismes cellulaires. Cette découverte montre que la maladie de Parkinson n’est pas uniforme, et va se révéler cruciale pour traiter toutes ses formes connues. Elle s’inscrit dans la continuité de deux études du même groupe et est publiée dans le Journal of Biological Chemistry.

Certains malades sont sous l’influence d’une protéine mutée qui aide en temps normal les cellules du cerveau à communiquer. Si cette protéine, appelée alpha-synucléine, est déjà méconnue, ses versions mutées le sont encore plus. Bien que ces variations ne soient observées que dans un faible pourcentage de cas de Parkinson, elles accélèrent fortement l’évolution de la maladie et causent même son apparition précoce, qui débute alors avant l’âge de cinquante ans.

Or, une équipe dirigée par Hilal Lashuel, de l'Institut des Neurosciences (Faculté des Sciencs de la Vie, EPFL) a découvert que ces mutations d’alpha-synucléine qui exacerbent la maladie de Parkinson fonctionnaient via une pluralité de mécanismes biologiques. Selon la mutation, la protéine devient incapable de «s’enclencher » ou quitter son emplacement normal dans le cerveau.

L’une des principales caractéristiques de Parkinson est la présence d’agrégats protéiniques à l’intérieur des cellules du cerveau qui règlent le mouvement. Ceux-ci contiennent une forme d’alpha-synucléine dite « phosphorylée », c.à.d. qui a besoin d’un groupe chimique lié pour « l’allumer ». Les agrégats d’alpha-synucléine phosphorylée finissent par perturber la communication entre les cellules et par les tuer. C’est ce qui cause les mouvements typiques à Parkinson.

Les chercheurs ont ici étudié trois mutations d’alpha-synucléine qui affectent la phosphorylation et sont en lien avec certaines formes de Parkinson. Pour ce faire, ils ont utilisé des souris, de la levure et des cellules de mammifères – dont des neurones – pour tester l’effet de ces mutations sur l’alpha-synucléine.

Les trois mutations ont provoqué une phosphorylation d’alpha-synucléine plus élevée que la normale dans la levure, les cellules de mammifère et même les tissus du cerveau. Plus intéressant encore, les scientifiques ont observé que l’une de ces mutations poussait la protéine à changer d’emplacement dans la cellule et à se rapprocher du noyau et du réticulum endoplasmique, là où la cellule modifie de nouvelles protéines. Or, les trois mutations causent une migration différente de l’alpha-synucléine dans la cellule, ce qui signifie que chacune d’entre elles fonctionne selon un mécanisme différent, mais qu’elles ont toutes comme résultat les symptômes de Parkinson. Une telle conclusion est fondamentale pour traiter la maladie, qui n’est pas aussi uniforme que ce que l’on croyait.

Cette étude va en outre doper l’efficacité des études sur Parkinson. Après avoir déterminé que ces trois mutations augmentaient la phosphorylation d’alpha-synucléine, leur exploration dans différents modèles (cellules, animaux etc.) sera en effet en mesure de fournir un aperçu novateur de la fonction normale de la protéine, ainsi que du rôle qu’elle joue dans Parkinson ou d’autres maladies.

« Cela pourrait enfin nous donner l’opportunité de cibler les voies pathologiques spécifiques de Parkinson ou d’autres affections neuro-dégénératives causées par l’alpha-synucléine – aussi appelée synucléinopathies » précise Hilal Lashuel.

Cette étude est une collaboration entre l’Institut Brain Mind de l’EPFL, l’Institut Max Planck de Chimie biophysique, l’Institut de Médecine moléculaire, l’Université de Lisbonne, le Centre médical universitaire de Göttingen, le Centre allemand pour les médecines neuro-dégénératives, l’Université San Diego de Californie et l’Institut de recherche biomédicale du Qatar.

Source
Mbefo M, Fares M-B, Paleologou K, Oueslati A, Yin G, Tenreiro S, Pinto M, Outeiro T, Zweckstetter M, Masliah E, Lashuel HA. The Parkinson's Disease Mutant E46K Enhances Alpha-Synuclein Phosphorylation in Mammalian Cell-Lines, in Yeast and In Vivo. J Biol Chem. 05 February 2015. DOI: 74/jbc.M114.610774

L'un des premiers auteurs de cette publication, Martial MBefo Kamdem, est titulaire d'un doctorat, entrepris au sein du Programme doctoral EPFL en Neurosciences.

Etudes précédentes du groupe sur le même sujet
Khalaf O, Fauvet B, Oueslati A, Dikiy I, Mahul-Mellier AL, Ruggeri FS, Mbefo MK, Vercruysse F, Dietler G, Lee SJ, Eliezer D, Lashuel HA. The H50Q mutation enhances α-synuclein aggregation, secretion, and toxicity. J Biol Chem. 2014 Aug 8;289(32):21856-76. DOI: 10.1074/jbc.M114.553297.

Fares MB, Ait-Bouziad N, Dikiy I, Mbefo MK, Jovičić A, Kiely A, Holton JL, Lee SJ, Gitler AD, Eliezer D, Lashuel HA. The novel Parkinson's disease linked mutation G51D attenuates in vitro aggregation and membrane binding of α-synuclein, and enhances its secretion and nuclear localization in cells. Hum Mol Genet. 2014 Sep 1;23(17):4491-509. DOI: 10.1093/hmg/ddu165.

Image: © Suraj Rajan/Wikipedia: A Lewy body in the substantia nigra