Paralysie : les primates récupèrent mieux que les rongeurs

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Après une lésion de la moelle épinière, les singes et l’être humain retrouvent plus de mobilité que les rats, révèle une étude du laboratoire de Grégoire Courtine à l’EPFL, publiée dans Science Translational Medicine.

Une récupération spontanée se produit deux à six mois après une lésion de la moelle épinière, et permet au sujet hémiplégique de retrouver une partie de sa motricité. Les chercheurs se basent sur ce phénomène pour améliorer les essais cliniques et les thérapies proposées aux patients. Les mécanismes neuronaux qui permettent cette récupération sont pourtant difficilement observables sur les rongeurs en laboratoire, contrairement aux singes, révèlent les chercheurs de l’EPFL.

« Même si la recherche sur les rats reste essentielle pour développer des thérapies régénératives, les rongeurs montrent de nettes différences avec les primates au niveau de leur potentiel de réorganisation neuronale et de récupération fonctionnelle», explique Grégoire Courtine. La raison se cache dans les différences d’anatomie et de fonction de la voie corticospinale, soit les fibres qui assurent la communication entre le cerveau et la moelle épinière. Alors qu’elle est présente dans l’aspect dorsal de la colonne chez le rat et qu’elle projette d’un seul coté de la moelle épinière, elle a migré dans l’aspect latéral, a augmenté en taille, et est devenue bilatérale chez le singe et l’homme.

« Cette spécificité permet aux fibres de se réorganiser après la lésion. La voie corticospinale établit de nouvelles connections qui contournent la lésion et permettent de rétablir la communication avec les cellules nerveuses qui contrôlent les mouvements des bras et des jambes. Cette neuroplasticité ne se produit que de manière très minime chez le rat » souligne Grégoire Courtine.

Plus le mouvement demandé est complexe, comme récupérer la mobilité de la main pour manipuler un objet ou marcher sur une échelle horizontale, et plus les différences sont importantes entre les deux espèces. Alors que les rats récupèrent la marche sur sol plat, ils ne sont plus capables de saisir un aliment ou de positionner la patte précisément. A l’opposé, les singes et les humains peuvent retrouver une locomotion fine ainsi que la capacité de prendre un objet.

Un phénomène d’autant plus marqué si les lésions sont latéralisées plutôt que symétriques, puisque les fibres sont présentes de part et d’autres de la moelle épinière chez les primates. Des observations concordantes avec celles réalisées chez plus de 400 patients humains atteints de lésion cervicale.

Ce mécanisme de récupération spécifique aux primates aura des implications majeures pour la recherche. Utiliser le modèle du singe plutôt que du rat permettra la conception de thérapies plus adaptées à la réparation de la moelle épinière humaine, ainsi qu’une meilleure prédiction des effets thérapeutiques et de la récupération de la motricité chez les patients.

Cette recherche a été réalisée en partenariat avec le Primate California Consortium dirigé par Mark Tuszynski, avec le centre de paraplégie de Zurich, le centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ainsi qu’avec l’European Multicenter Study about Spinal Cord Injury (EMSCI) dirigé par Armin Curt.

Source: Pronounced species divergence in corticospinal tract reorganization and functional recovery after lateralized spinal cord injury favors primates, Science Translational Medicine, Lucia Friedli et al.


Auteur: Sarah Bourquenoud

Source: EPFL


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© 2015 EPFL
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