Nouvelle découverte : la gravure nanométrique sur fibre
Des chercheurs de l’EPFL ont trouvé une méthode pour inscrire des motifs nanométriques à la surface et à l’intérieur de fibres en polymères. Ces fibres inédites pourraient être prometteuses pour guider la régénération de nerfs, produire des effets optiques, ou créer le tissu artificiel et les pansements intelligents de demain.
Dessiner ou imprimer des motifs complexes de taille nanométrique sur des fibres de polymères creuses. Tel est le défi relevé par des chercheurs du Laboratoire des fibres et matériaux photoniques de l’EPFL, dirigé par Fabien Sorin. Leur technique, simple et inédite, est publiée dans Advanced functional materials.
Elle ouvre la voie à une pléthore d’applications. Les motifs peuvent être utilisés pour donner des effets optiques à la fibre, la rendre hydrophobe, guider la croissance de cellules souches dans des canaux texturés, ou entraîner une dégradation de la fibre à un endroit et à un moment précis, pour relâcher des médicaments dans un pansement intelligent.
Etirer la fibre comme du plastique fondu
Pour réaliser leurs dessins nanométriques, les scientifiques sont partis d’une technique existante, utilisée dans le domaine des fibres optiques : le fibrage à chaud (thermal drawing). Traditionnellement, on grave ou imprime des dessins de taille millimétrique sur une «préforme», soit une version macroscopique de la fibre désirée. La préforme est chauffée afin qu’elle change de viscosité, puis étirée comme du plastique fondu pour former une fibre mince, qui durcit à nouveau. Avec l’étirement, la taille des motifs rétrécit, mais leurs proportions et leur positionnement restent intacts. La méthode classique pose toutefois problème. Il est impossible de préserver les dessins au-dessous du micromètre. «Lorsque l’on étire la fibre, la tension de surface du polymère structuré induit une déformation puis une disparition des motifs en dessous d’une certaine taille, de l’ordre de quelques microns», explique Fabien Sorin.
Pour surmonter cet obstacle, les chercheurs de l’EPFL ont eu l’idée de placer la préforme gravée dans une construction en sandwich, avec un polymère sacrificiel. Ce dernier protège les motifs lors de l’étirement en atténuant la tension de surface. Il peut être « jeté » une fois l’étirement terminé. Grâce à cette astuce, il a été possible de doter différentes fibres de minuscules motifs très complexes. «Nous avons produit des motifs de 300 nanomètres, mais nous pourrions aisément descendre jusqu’à quelques dizaines de nanomètres», affirme le chercheur. C’est la première fois que des motifs si petits et si complexes peuvent être inscrits sur une fibre souple à très grande échelle. «La technique permet d’obtenir des motifs plus petits de deux ordres de grandeur que ce qui existe dans la littérature», indique Fabien Sorin. «Nous pourrions par ailleurs l’appliquer sur des kilomètres de fibres, avec des coûts tout à fait raisonnables.»
Afin de montrer les possibilités d'application de leur technique, les scientifiques, en collaboration avec la Chaire Fondation Bertarelli de technologie neuroprosthétique, dirigée par Stéphanie Lacour, ont utilisé leurs fibres pour guider in vitro de manière ordonnée des neurites issues d’un ganglion spinal (ganglion situé sur le nerf rachidien). Un pas encourageant pour l’utilisation de telles fibres pour la régénération de nerfs ou la fabrication de tissu artificiel.
Outre la biologie, de nombreux domaines pourraient bénéficier de cette avancée. « Une fibre rendue hydrophobe grâce aux motifs pourrait notamment servir à fabriquer de nouveaux vêtements. On peut également doter les fibres de différents effets optiques, pour effectuer de la détection, sans compter tous les nouveaux dispositifs microfluidiques», indique le scientifique. La prochaine étape consiste à collaborer avec d’autres laboratoires de l’école, afin d’étudier notamment la régénération de nerfs in-vivo. Le tout en utilisant une fibre gravée et biodégradable.