«Notre outil révèle l'importance de la radioactivité au Japon»

Romain Scheibler promène son compteur Geiger dans les rues de Tokyo.

Romain Scheibler promène son compteur Geiger dans les rues de Tokyo.

Un cybermilitant de l’EPFL permet aux Tokyoïtes de rassembler et de rendre publiques des données sur les retombées radioactives de l'accident nucléaire de Fukushima. Découvrez le reportage de Nouvo.

Lorsqu’il était au Japon, Robin Scheibler a participé à la création d'un «garage informatique» appelé Hackerspace Tokyo. Le groupe d’ingénieurs débraillés qui l'occupe est à l’origine d’une initiative publique, Safecast, dont le but est d’enregistrer et de communiquer les niveaux de radioactivité relevés au Japon, à la suite de la catastrophe de Fukushima. Robin, qui commence ce semestre son doctorat à la Faculté Informatique et Communications (IC) de l’EPFL, vit actuellement au Japon, après y avoir déjà effectué un semestre d’échange universitaire en 2007. Nous lui avons parlé juste avant qu’il ne revienne en Suisse pour une conférence qu’il donnera dans le cadre du NCCR MICS final event, ici à l’EPFL, le 5 septembre.

Comment vous êtes-vous impliqué dans cette initiative publique de communication des données sur la radioactivité au Japon ?
En mars 2011, après l’accident du réacteur nucléaire de Fukushima, chacun au Japon se demandait comment il pouvait se rendre utile. Quelques-uns d’entre nous à l’Hackerspace Tokyo ont compris que nous pourrions servir l'intérêt général en créant quelque chose d'utile, plutôt qu’en ramassant les débris.


Vous avez donc décidé de construire un compteur Geiger portable ?
A l’Hackerspace, nous associons nos connaissances en électronique et notre passion pour la fabrication d’objets divers et la liberté d'information. Le premier prototype était prêt en moins d'une semaine ! Aujourd’hui, nous prêtons des compteurs Geiger portables et nous mettons ensuite en ligne les données récoltées.

Pourquoi la liberté d’information est-elle importante pour vous ?
Il est toujours préférable d’obtenir un grand nombre de données plutôt que pas assez. Pour pallier le manque considérable de transparence, il fallait permettre aux gens de relever leurs propres mesures. La société d’énergie nucléaire en charge du site (TEPCO) et le gouvernement Japonais étaient les deux seules entités à fournir des informations sur les niveaux de radioactivité, mais les données n’étaient souvent pas à jour ou limitées. Il régnait l’impression générale qu'on nous cachait quelque chose.

Comment les niveaux de radioactivité sont-ils traités avec votre appareil ?

Nous prêtons notre appareil, le bGeigie, à des volontaires. Il s’agit d’un boîtier autonome et imperméable à l’eau qui se compose d’un compteur Geiger et d’un GPS. À l’origine, nous l’avons imaginé pour les voitures - il peut facilement se fixer sur la vitre du passager - mais les gens peuvent aussi le faire fonctionner chez eux ou à vélo, comme moi ! Le bGeigie mesure les taux de radioactivité et donne les coordonnées géographiques, puis il enregistre ces informations sur une carte mémoire SD standard. Les utilisateurs téléchargent ces informations vers notre site internet et nous pouvons ainsi rendre ces données accessibles au public.

Ce cybermilitantisme – si c'est bien de cela qu’il s’agit – a -t-il suscité la réprobation au Japon ?
Oui, c’est une forme de cybermilitantisme. Mais les autorités n’ont jamais mentionné publiquement Safecast. Cependant, elles ont publié des données à trois reprises, à la suite d’informations similaires publiées sur notre site. C’est peut-être une coïncidence, mais cela nous a permis de comparer nos données avec les leurs, car toutes ces données réunies fournissent une meilleure information. Dans tous les cas, le public est bien mieux informé qu'avant la création de Safecast, c'est ce qui importe.

Liens:

http://map.safecast.org
http://tokyohackerspace.org/