Nos cellules aiment le sucre... Et ça se voit!

Les chercheurs avec l'appareil NanoSIMS© 2014 EPFL

Les chercheurs avec l'appareil NanoSIMS© 2014 EPFL

Une nouvelle technique d’imagerie permet de voir comment le corps utilise le glucose, notre principale source d’énergie. Ce travail permettra de mieux comprendre certains aspects du diabète et ouvre le champs à de nouvelles études sur le métabolisme cellulaire.

Le glucose est essentiel au corps pour qu’il puisse produire l’’énergie dont il a besoin. Son taux dans le sang doit’ être soigneusement maintenu, surtout dans des organes sensibles comme le cerveau. On sait qu’il est stocké dans nos cellules à l’intérieur de molécules appelées glycogènes. Mais bien que l’on sache qu’il joue un rôle central dans des troubles comme le diabète et l’hypoglycémie, sa distribution et son métabolisme dans le corps restent méconnus. l. Or, des scientifiques de l’EPFL ont réussi à tracer l’utilisation du glycogène par les cellules du foie et du cerveau grâce à une technologie d’imagerie novatrice appelée NanoSIMS, déjà employée sur des échantillons de météorites. Leurs résultats sont publiés dans Nanomedicine.

Comprendre comment les cellules stockent, distribuent et métabolisent le glycogène s’avère essentiel pour traiter des troubles associés, tels que le diabète et l’hypoglycémie. Tous deux se caractérisent par une chute de glycogène, donc une diminution de la diffusion du glucose dans le sang, entraînant une perte d’énergie. L’épuisement de glycogène est un phénomène bien connu des athlètes d’endurance, comme les coureurs de marathon, les skieurs de cross-country et les cyclistes, qui, lorsqu’ils en sont les victimes, disent «frapper le mur».

Or, même si la distribution de glycogène est primordiale pour la bonne marche du corps, on connaît mal son évolution dans le temps. En effet, la technique d’imagerie habituellement employée pour le traçage - la résonance magnétique ou IRM - n’a pas la sensibilité nécessaire pour atteindre la résolution spatiale requise si l’on souhaite voir le glycogène à l’intérieur des cellules individuelles.

Forts de ce constat, une équipe de chercheurs dirigée par Arnaud Comment et Anders Meibom de l’EPFL et collaborant avec des collègues de l’EPFL et de l’UNIL, ont opté pour une technologie d’imagerie innovante, susceptible de suivre l’évolution du glycogène à l’intérieur du foie et du cerveau de souris. Appelée NanoSIMS (SIMS pour spectrométrie de masse à ionisation secondaire), celle-ci consiste en une microsonde qui bombarde l’échantillon solide avec un faisceau de particules « lourdes », comme des atomes de césium. Les ions sont éjectés de l’échantillon, puis identifiés par un spectromètre de masse. La lecture de chacun d’entre eux est ensuite utilisée pour identifier les composants chimiques de l’échantillon.

La NanoSIMS dépasse la résolution des systèmes IRM conventionnels, car elle peut scanner un échantillon avec une résolution spatiale ultra-élevée de 100 nanomètres (environ un centième de la longueur de la cellule). Cela signifie que cette technique peut tracer des molécules à l’intérieur d’une cellule, un atout mis à profit par Arnaud Comment et ses collègues. «La question principale était de savoir si nous pouvions détecter l’endroit où le glucose était transformé en glycogène , précise le chercheur. L’un de nos buts était donc de mesurer la répartition du glycogène à l’intérieur des cellules du foie et du cerveau au fil du temps, et de déterminer le taux d’incorporation du glucose en glycogène dans ces cellules. »

Pour ce faire, les chercheurs ont appliqué la NanoSIMS sur des échantillons de tissus du cerveau et du foie, enrichis au préalable avec un type de glucose capable d’être tracé par imagerie. Or, les images NanoSIM se matérialisent à travers des couleurs et des lignes et sont insuffisantes pour localiser les molécules à l’intérieur d’une cellule. Les échantillons ont donc également été photographiés au moyen d’un microscope électronique susceptible de fournir une image réelle des tissus et cellules. L’équipe a ensuite superposé l’image NanoSIMS et le cliché pris par microscope électronique afin d’obtenir une image exhaustive de la distribution du glycogène dans les cellules du foie et du cerveau.

Appliquée à divers intervalles, cette méthode a permis aux chercheurs de suivre la façon dont le glycogène se formait au fil du temps et de repérer l’emplacement exact où ce phénomène avait lieu. Leurs découvertes ont montré que les cellules du foie stockaient le glucose dans le glycogène au moins 25 fois plus rapidement que les cellules du cerveau (astrocytes). « C’est la première fois que ce phénomène est mesuré à une échelle aussi petite », ajoute Arnaud Comment.

La NanoSIMS va désormais permettre d’observer d’autres molécules biologiques, comme les neurotransmetteurs du cerveau. C’est d’ailleurs l’un des objectifs à court terme de l’équipe dirigée par Arnaud Comment, qui compte utiliser cette méthode pour obtenir une image haute résolution de la distribution et de la métabolisation des molécules de signalisation dans diverses parties du cerveau. Les chercheurs de l’EPFL travaillent en outre à améliorer la précision et l’exactitude de la détection en la combinant avec de l’imagerie par fluorescence.

Cette étude a pu être menée grâce à une collaboration entre l’EPFL (dont les SB, l’ENAC et les SV) et l’UNIL Institut des sciences de la Terre.

Source

Takado Y, Knott G, Humbel BM, Escrig S, Masoodi M, Meibom A, Comment A. Imaging liver and brain glycogen metabolism at the nanometer scale.Nanomedicine: Nanotechnology, Biology, and Medicine. DOI: 10.1016/j.nano.2014.09.007



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The researchers with the NanoSIMS apparatus © 2014 Alain Herzog/EPFL
The researchers with the NanoSIMS apparatus © 2014 Alain Herzog/EPFL

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