Neurosciences : une protéine optimise le signal des synapses

Le groupe de recherche dirigé par le Prof. Ralf Schneggenburger, Institut Brain Mind, fait une avancée dans la compréhension des réseaux de neurones, notamment grâce à une protéine génétiquement modifiée. Leur approche novatrice fait l’objet de deux publications consécutives dans «Neuron» ; elle pourrait inaugurer de nouvelles méthodes de recherche en neurosciences...

Les neurones communiquent entre eux suivant des mécanismes complexes. Les synapses se chargent d’établir le contact entre les neurones et de convertir leurs signaux électriques en signaux chimiques, les fameux neurotransmetteurs. L’étude de ces phénomènes est l’une des clés fondamentales pour la compréhension du cerveau. L’équipe du laboratoire de mécanismes synaptiques de l’EPFL, dirigé par Ralf Schneggenburger, a mis en lumière des fonctions jusqu’alors inconnues des protéines dans la libération des neurotransmetteurs par les synapses.

Dans la première publication (1), ils ont pu démontrer qu’il était possible de désactiver une protéine de manière sélective, soit exclusivement dans la plus grande synapse du cerveau, le «calyx de Held». Cette méthode inédite leur a permis de découvrir un rôle direct et imprévu de la protéine RIM (Rab3 interacting molecule), qui augmente la densité des canaux calcium Ca2+ - un type de canal ionique qui joue un rôle essentiel dans la libération des neurotransmetteurs.

La seconde publication (2) vient compléter le bilan. Les scientifiques ont utilisé des souris génétiquement modifiées qui ne produisent pas une protéine spécifique, la synaptotagmine. Cette protéine est connue pour se lier aux ions calcium Ca2+ et provoquer ainsi la libération de neurotransmetteurs. A l’aide d’un virus, les chercheurs ont pu réinoculer le gène manquant et rétablir cette fonction dans les calyx de Held.

La double vie d’une protéine
Dans un second temps, les scientifiques ont inoculé un virus portant des versions légèrement modifiées du gène codant la protéine. Un travail patient de comparaisons leur a permis de mettre en lumière son double rôle. En effet, la fonction de la synaptotagmine ne se borne pas à déclencher la libération des neurotransmetteurs,; elle a également comme propriété d’inhiber les autres protéines présentes dans le synapse. Ce faisant, elle augmente l’amplitude du signal chimique, tout en supprimant les bruits de fond que ne manqueraient pas de produire des signaux chimiques concurrents. En d’autres termes, un peu à l’image d’un circuit électronique, elle permet d’optimiser la qualité du signal.

Les approches développées au sein de l’équipe de Ralf Schneggenburger s’avèrent prometteuses. Comme la transmission synaptique est à la base de toute communication neuronale, la synapse est également en cause dans une variété de troubles du système nerveux central, incluant certaines maladies psychiatriques ou neurodégénérescentes comme la maladie d'Alzheimer. “Ainsi, mieux comprendre les bases moléculaires du fonctionnement de la synapse va contribuer à développer des stratégies thérapeutiques dans l'avenir", estime Ralf Schneggenburger.

(1)Neuron, 27 janvier 2011, “RIM Determines Ca2+ channel density and vesicle docking at the presynaptic active zone

(2)Neuron, 24 février 2011, "Synaptotagmin increases the dynamic range of synapses by driving Ca2+ - evoked release and by clamping a near-linear remaining Ca2+ sensor"

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