L'horloge biologique du foie décodée

Pour la première fois une équipe de chercheurs de l’EPFL est parvenue à observer le rôle de l’horloge circadienne dans le contrôle des fonctions hépatiques grâce à une technique de séquençage d’ADN à haut débit.

La plupart des êtres vivants possèdent une horloge interne dite circadienne, véritable métronome moléculaire. Elle leur permet de coordonner leur physiologie et comportement en fonction des cycles diurnes, notamment les variations de lumière et de température. Ces horloges modulent quotidiennement divers processus physiologiques, comme le rythme cardiaque, la pression sanguine, la température corporelle ou encore l’activité du système digestif. Une des manifestations bien connues de ces horloges est le fameux jet lag, cette fatigue qui reflète un décalage horaire entre les horloges internes et les cycles de lumière diurnes, et qui nécessite quelques jours jusqu’à la resynchronisation. L’équipe du laboratoire de Félix Naef s’est intéressée plus particulièrement au fonctionnement d’une de ces horloges: celle du foie. Ils ont cherché à caractériser le rôle de cette horloge dans le contrôle temporel des fonctions de cet organe.

Grâce à une technique de séquençage d’ADN à haut débit, Guillaume Rey, doctorant au Computational Systems Biology lab, est parvenu à caractériser pour la première fois où et quand la protéine appelée BMAL1, une des pièces maîtresses de l’horloge, se lie sur le génome de la souris. Au niveau du foie, cela a permis de mieux comprendre les processus physiologiques qui sont directement contrôlés par l’oscillateur central [core clock] dont fait partie la protéine BMAL1. "Cette technique offre une résolution sans précédent. Elle montre comment notre horloge centrale module la régulation temporelle des diverses fonctions métaboliques actives à différents moments de la journée", indique Felix Naef.

Le foie ne pouvant accomplir certaines tâches simultanément, il est avantageux de séparer temporellement les processus biochimiques incompatibles. Les résultats suggèrent que la répartition temporelle des fonctions métaboliques satisfait un principe d’optimisation des ressources. L’horloge contribue par exemple à la régulation temporelle de la glycémie. En effet, le glucose absorbé est d’abord stocké puis réintroduit dans la circulation sanguine durant la nuit où nous n’ingérons en général plus de nourriture. Il en ira de même pour la détoxification du sang qui sera restreinte aux intervalles diurnes. “Nous avons eu un premier aperçu global de la manière dont l’horloge du foie relaie les informations temporelles aux fonctions métaboliques comme le métabolisme des glucides ou la synthèse des lipides”, note Felix Naef.

Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives non seulement dans les recherches sur le métabolisme, mais également dans des domaines comme la chronothérapie. En comprenant les fonctions hépatiques contrôlées par l’horloge, il est possible d’administrer des médicaments selon les rythmes biologiques et améliorer ainsi leur efficacité en limitant les effets indésirables. Il a été montré, par exemple, que certains médicaments auront intérêt à être administrés le soir plutôt que le matin. De même, pour d’autres domaines comme l’oncologie, on peut déterminer les heures auxquelles une chimiothérapie sera la mieux tolérée. Les traitements sont ainsi optimisés et adaptés aux heures auxquelles notre corps est le plus disponible pour les recevoir.

- Synchronisation de l'horloge circadienne par les cycles de lumière -


Auteur: Frédéric Rauss

Source: EPFL