Les souris et les hommes partagent un même gène du diabète

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Grâce à de nouveaux outils d’analyse, des chercheurs de l’EPFL et de l’ETH Zürich sont parvenus à identifier un gène impliqué dans le développement du diabète de type 2 chez les souris. Une collaboration avec le CHUV a ensuite permis de montrer que ce même gène est aussi impliqué dans le diabète humain.

Détecter un processus pathologique chez la souris et montrer qu’il est aussi à l’œuvre pour les humains: voilà ce qu’un travail conjoint de l’EPFL, de l’ETH Zürich et du CHUV a permis de réaliser pour l’une des maladies affectant le plus d’individus dans les pays industrialisés – le diabète de type 2.

Menés conjointement dans les laboratoires de Johan Auwerx (EPFL) et Ruedi Aebersold (ETH Zürich), ces travaux s’appuient sur les compétences propres de chaque équipe. La force de la découverte, publiée aujourd’hui dans Cell, provient de leur mise en commun.

A Lausanne, les chercheurs ont étudié dans le détail le génome et le «phénome» (soit l’ensemble des phenotypes ou des caracteristiques cliniques) d’une famille de souris composée de 183 membres. «En comparant le métabolisme de frères et sœurs jumeaux soumis à des conditions de vie et d’alimentation différents, il nous est possible de connaître exactement l’influence du milieu sur l’expression de certains gènes, et comment ceci affecte les caracteristiques cliniques et la risque pour developer des maladies», résume Johan Auwerx, directeur du Laboratoire de physiologie intégrative et systémique (LISP).

La superposition des informations du génome avec celles de ces phénotypes s’est déjà révélée riche d’enseignements. Aujourd’hui, les chercheurs leur ont adjoint une nouvelle «couche», obtenue grâce à une nouvelle technologie de spectrométrie développée à l’ETHZ, qui permet de mesurer la présence de centaines de protéines à partir d’un seul échantillon et d’établir ce que les spécialistes appellent le «protéome» de chaque individu.

En combinant le génome, le phénome, le protéome et le métabolome propre de chaque souris, les chercheurs ont pu mettre en évidence un gène particulier, situé sur le chromosome 2 des souris, et dont la présence joue un rôle considérable dans le développement du diabète de type 2. «Les souris soumises à un régime riche en graisse ont plus ou moins de chance de développer un diabète selon que ce gène est actif ou pas, explique Evan Williams, doctorant au LISP et co-premier auteur de l’article. Grâce à la combinaison de nos différentes «couches» d’information, nous avons pu établir précisément quel est le processus qui conduit de la présence de ce gène à risque accru de diabète.»

Les souris diabétiques affichent ainsi un faible taux urinaire d’un «métabolite» particulier (2-aminoadipate). Ce taux varie nettement en fonction de la présence du gène mis en évidence, mais pas en fonction de leur masse graisseuse. Pour les chercheurs, c’est la preuve que c’est le gène, et non le régime, qui régule l’expression de cette protéine.

«La force de cette corrélation nous a poussés à nous demander si elle se manifesterait aussi chez l’humain», ajoute Evan Williams. Pour cette étape, les chercheurs ont pu s’appuyer sur les travaux de la « cohorte Lausanne (CoLaus)», menés par le CHUV, à Lausanne, qui a débouché très récemment sur la publication d’analyses concernant près de 1000 individus de la région. Le constat est sans équivoque : chez les sujets diabétiques, les taux de 2-aminoadipase sont plus bas que chez les autres.

«Grâce à cette approche novatrice, qui met en relation plusieurs «couches» d’informations, nous avons pu identifier un marqueur urinaire qui permet de détecter facilement la présence d’un cas de diabète», souligne Johan Auwerx.

D’autres démarches de ce type permettront très certainement de développer de nouveaux outils de diagnostic, applicables à d’autres maladies. «Il est extrêmement enthousiasmant de constater qu’on peut désormais transposer des résultats de recherche d’une espèce à l’autre. A mon sens, c’est un nouvel âge de la biologie, et bientôt de la médecine, qui vient de s’ouvrir», conclut-il.