Les moustiques du Lac de la Gruyère : frapper lorsqu'ils sont faibles

© Thinkstockphotos.com

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Série d’été travaux d’étudiants : Ils luttent contre les moustiques qui sévissent sur les rives du Lac de la Gruyère. Deux étudiants de l’EPFL ont écrit des centaines de lignes de code informatique. Leur objectif : suivre le développement des larves de l’insecte pour prédire exactement où et quand frapper.


Les moustiques ! Durant les mois d’été, ils peuvent être agaçants, mais dans les villages bordant l’extrémité sud du Lac de la Gruyère, ils pourraient devenir vraiment nuisibles si aucun contrôle n’était exercé. C’est pourquoi, depuis vingt ans, les autorités locales utilisent un insecticide naturel pour éradiquer la population de moustiques en programmant leurs interventions de façon à tuer les larves au moment où elles sont les plus vulnérables. Max Mentha et Morgan Bruhin assistent les preneurs de décision pour la planification des interventions. Ces deux étudiants de Master en ingénierie de l’environnement ont développé une plateforme en ligne permettant de surveiller le développement larvaire dans les zones sensibles.

« On ne s’attend pas à ce que cette région soit infestée de moustiques ! », observe Max Mentha tout en marchant sur les berges terreuses et asséchées de la rive sud du Lac de la Gruyère. Aucun moustique n’est en vue. « Actuellement, nous sommes au cœur d’une vague de chaleur et les œufs des moustiques attendent la pluie pour éclore. Mais une fois que la température et le niveau de l’eau leur conviendront, leur population explosera et ira assaillir les habitants de Broc, Morlon et des autres villages situés dans leur rayon d’action de dix kilomètres », avertit-il.

La combinaison parfaite réunissant toutes les conditions nécessaires à la prolifération massive des larves de moustique a été créée par la construction du barrage de Rossens qui a transformé une partie de la Sarine en l’actuel Lac de la Gruyère. Des niveaux d’eau fluctuants, des flaques d’eau stagnante et le bon type de végétation, tout cela a contribué à faire de cette région un paradis pour la multiplication des larves.

Établir le plan de bataille parfait
Dans le cadre de leur projet, Max et Morgan ont rarement mis les pieds sur les rivages idylliques du Lac de la Gruyère, passant le plus clair de leur temps dans les laboratoires informatiques. « Notre projet s’est focalisé sur la mise à jour d’un programme informatique qui avait été créé pour suivre le développement des larves de moustique autour du Lac de la Gruyère afin de le transformer en application en ligne », explique Max. La plateforme modélise l’altitude de la surface du lac, la température de son eau ainsi que d’autres paramètres dans un système d’information géographique, en somme, une carte numérique.

« Nous avions pour objectif d’augmenter les performances de la plateforme en y intégrant des prévisions météo à trois jours », précise encore l’étudiant. L’application en ligne fait partie de swissrivers.ch, un site géré par e-dric.ch, une société Lausannoise d’experts en environnement qui fournit des informations prévisionnelles sur les rivières du pays.

En définitive, le module sur lequel les étudiants ont travaillé aidera les autorités à déterminer exactement quand et où intervenir au moyen d’un insecticide composé de bactéries, généralement dispersé une fois par année par hélicoptère. Tenir compte des prévisions météorologiques permettrait aux autorités de disposer d’assez de temps pour réserver l’hélicoptère adapté à l’opération.

Un insecticide naturel
Pour combattre les moustiques, nul besoin d’un mélange chimique complexe. L’insecticide choisi est en fait une bactérie que l’on trouve dans la plupart des sols, Bacillus thuringiensis israelensis. Elle est connue pour agir uniquement sur trois espèces d’insectes : les moustiques, les mouches noires et les mouches des terreaux, et cela uniquement pendant une courte période de leur développement. En répandant cette bactérie par hélicoptère lorsque les conditions sont favorables, une grande portion des larves peuvent être tuées sans nuire davantage à l’écosystème.

« Ce que nous avons particulièrement apprécié dans ce projet a été sa grande multidisciplinarité car il impliquait des systèmes d’information géographique, l’informatique, l’hydrologie et la biologie. Cela nous a également donné l’opportunité d’entrer en contact avec de nombreux professionnels comme Peter Lüthy, professeur à l’ETH de Zürich, qui dirige le projet de contrôle des moustiques depuis vingt ans, les ingénieurs d’e-dric.ch ou encore les habitants de la Gruyère », s’enthousiasme Max Mentha.


Auteur: Jan Overney

Source: EPFL