Les fluctuations des rivières modèlent les racines

© 2015 AHEAD - EPFL

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Un changement dans le débit d’un fleuve peut affecter les buissons et les arbres qui poussent sur ses berges. Des chercheurs de l’EPFL ont récemment développé un moyen de prédire comment les fluctuations de la nappe phréatique affectent les racines qui soutiennent ces végétaux.

Que ce soit en raison du changement climatique ou d’une modification de production d’énergie, le débit des cours d’eau pourrait, dans le futur, subir des écarts significatifs. Mais la manière dont ces variations se répercuteront sur les arbres qui poussent sur les berges reste encore peu claire. Récemment, des chercheurs sont parvenus à montrer comment les racines de certaines espèces d’arbres sont influencées par les fluctuations du niveau de la nappe phréatique dans laquelle ils puisent leur eau. Leurs découvertes – publiées dans le journal Geophysical Research Letters – pourraient aider à prévoir l’impact écologique des changements de régime d’écoulement des cours d’eau et contribuer à améliorer le succès des projets de restauration de ceux-ci.

« C’est une chose d’estimer comment des changements dans le régime des précipitations, un climat plus chaud ou des variations de la production hydroélectrique peuvent se répercuter sur le niveau de la nappe phréatique autour d’un fleuve, avance Stefania Tron, auteure principale de l’étude et développeuse de modèles. Mais c’en est une autre, encore aujourd’hui, d’estimer les conséquences de ces changements sur les végétaux qui poussent dans les lits des fleuves et sur leurs berges. » Et cela, en dépit du fait que les arbres jouent un rôle essentiel dans l’écosystème des cours d’eau en stabilisant leurs lits et en fournissant des habitats pour les animaux.

« Notre objectif était de développer un moyen permettant de prédire comment les racines de certains types d’arbres qui, à l’instar des bouleaux, des saules et des peupliers, puisent l’essentiel de leur eau sous terre, répondent aux changements de niveau de la nappe phréatique, explique la chercheuse. Juste au-dessus de la nappe, il y a une couche de sol qui reste humide en permanence grâce à la force de capillarité. Lorsque le niveau de la nappe fluctue, les racines qui sont à l’intérieur de cette couche humide vont grandir alors que celles situées plus haut, dans une couche sèche, ou plus bas, immergées dans l’eau, vont mourir. »

Les scientifiques ont développé un modèle mathématique qui combine des informations sur les espèces végétales, les propriétés du sol et les fluctuations de la nappe phréatique pour estimer la distribution des racines sous la surface. Ils ont ensuite validé leur modèle en examinant les racines d’arbres qu’ils ont déterrés sur les berges du Rhône en Valais et de la Thur à St-Gall ou qui poussent dans un laboratoire en plein air.

Une étude de cas près de chez soi
Grâce à son modèle, Stefania Tron a pu étudier comment une baisse de niveau de 70 cm dans la nappe phréatique pourrait avoir un impact sur les racines des bouleaux et des peupliers qui poussent sur les rives du Rhône. Ses résultats ont montré de quelle manière les couches profondes du sol influencent la résistance des arbres. Par exemple, lorsque ceux-ci poussent sur un sol drainé et de faible épaisseur, une diminution de la nappe phréatique est désastreuse car elle les coupe de leur source d’eau profonde.

Outre étudier l’effet provoqué par des changements naturels et artificiels du débit des fleuves sur la densité des racines des arbres, Paolo Perona, le superviseur du projet, affirme que celui-ci pourrait également fournir des informations précieuses pour les projets de restauration des cours d’eau. « Si l’on connaît la profondeur de la nappe phréatique et le type de sol, notre modèle peut prévoir jusqu’où les racines vont pousser, ce qui permet de quantifier dans quelle mesure celles-ci vont renforcer le sol des berges », annonce-t-il.

Cette recherche a été réalisée par le groupe Hydro-économie appliquée et dynamique des environnements alpins de l’EPFL en collaboration avec le Politecnico de Turin et la Haute Ecole spécialisée de Berne (BFH). Le financement provient du Fonds national suisse de la recherche scientifique.


Auteur: Jan Overney

Source: EPFL